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L’école au miroir

23 / 06 / 2015 | Marianne Durand-Lacaze

"Ce qu’enseigner au Microlycée nous apprend de l’école… et de nous-mêmes." Une monographie de Nathalie Broux, professeur de français, coordinatrice et Frédérique Frin Benslama, professeur d’arts plastiques et coordinatrice au microlycée du 93.

Le Microlycée du 93 est une petite structure qui regroupait 11 enseignants au moment de la rédaction de cette monographie. Elle accueillait alors une quarantaine d’élèves "décrocheurs". Les deux auteures continuant à enseigner parallèlement dans un lycée qu’on pourrait qualifier de "classique", pouvaient ainsi mesurer pleinement l’apport du Microlycée. Dernier né des Microlycées de l’académie, il a participé à la rédaction commune d’une charte des Microslycées, texte-cadre avec celui de Melun (77) et de Vitry-Sur-Seine (94).

Ces enseignants volontaires, par leur expérience en Microlycée, pensent à raison, constituer "un laboratoire d’observations et pourquoi pas...de transformation de l’école."

Comment sont-ils recrutés ? Quel serait leur profil ? Pourquoi est-ce si difficile de d’enseigner au Microlycée ? Quels peuvent être les enjeux intimes d’une telle orientation professionnelle pour ces enseignants ?

Après une première partie consacrée aux acteurs pédagogiques de ce type de structure où la question centrale de l’abandon des exigences disciplinaires est posée, comme celle de ce que veut dire "faire équipe" dans ces conditions, les auteures s’interrogent sur la transférabilité de l’expérience à l’attention du lycée.

Quelles habitudes pédagogiques pourraient être modifiées dans un établissement dit "classique" ? Quels poncifs peuvent être dénoncés ?

Au Microlycée, un élève est toujours autorisé à refaire une évaluation qu’il a manquée avec ou sans justification, là n’est pas la question, l’important étant de pouvoir faire ou refaire.
Des élèves largement absentéistes avec 30 ou 40 % de présence en cours, parviennent à décrocher leur bac avec un travail très irrégulier. De ce constat, s’impose alors l’idée de ne jamais exclure un élève d’un établissement pour absentéisme, cela pourrait le conduire à ne pas passer le bac qu’il pourrait cependant réussir dans des conditions extrêmes.

De même, résister au traitement uniforme des élèves en matière d’évaluation est aussi une posture que les professeurs en Microlycée ont adoptée. Abandonner l’idée : "Si je l’autorise à rattraper le contrôle à la maison, ce n’est pas juste pour les autres." est devenu réflexe oublié. Les élèves en Microlycée intègrent sans problème que l’élève qui doit rattraper un cours ou une évaluation n’a pas un sort plus enviable au leur et que bénéficier d’une telle bienveillance est une chance dont ils pourraient un jour profiter à leur tour.

Parmi les idées reçues à combattre telles que, ne pas favoriser une discipline par rapport à une autre, ne pas sanctionner un ensemble prometteur parce qu’une discipline est délaissée par l’élève, figure celle de la collusion entre note et mérite. « Le système scolaire français, comme le prouvent les études, crée de la souffrance et un manque de confiance en soi, parce qu’il apparaît toujours aux gardiens du temple, les professeurs, qu’encourager un élève confine au laxisme. »

Les élèves qui semblent tout à fait démotivés cachent des talents ou des appétences dissimulées qu’eux-mêmes ignorent et qui se révèlent quand les professeurs s’intéressent à cette absence de désir apparent.

Les élèves en Microlycée rattrapent des lacunes qui ont parfois très largement contribué à leur démotivation. Pour les auteures, cette notion de "bases" identifiée à la progression pédagogique doit être relativisée. Lorsqu’un élève sort du cadre initial, qu’il est ramené vers la discipline avec bienveillance et qu’est pris en compte ce qu’il sait, plus que ce qu’il ne sait pas, alors il peut reprendre confiance en lui dans cette matière. cette expérience est transférable dans un lycée dit "classique".

Dans leur parcours pour revenir au lycée, souvent les élèves se voient refuser un retour dans une structure normale car ils sont jugés trop âgés par les interlocuteurs qu’ils rencontrent. L’expérience du Microlycée montre que ce mélange entre jeunes adolescents et jeunes adultes n’est en rien préjudiciable.Cette impossibilité augmente le nombre de "décrocheurs" alors que ces jeunes sont désireux de renouer avec l’école.

Enfin, les auteures retiennent que l’entretien hebdomadaire entre l’élève et son tuteur référent est particulièrement utile à l’élève comme au professeur.

Le deuxième volet de cette monographie donne la parole aux élèves. Sophie, Fatima, Sonia témoignent de leur parcours dans une partie pertinente intitulée "Ce que les élèves du Microlycée nous apprennent sur l’école."
Elles décrivent les étapes du raccrochage. Leur courage d’un retour à l’école, comme celui de tous ceux qui ont poussé, un jour, les portes des microlycées, nous enjoint à un plus grand optimisme. C’est le beau constat des auteures de L’école au miroir.

Document PDF de la monographie dans son intégralité : une quarantaine de page, écrites par les acteurs du terrain :