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Comment aider nos enfants à réussir, par Philippe Meirieu

25 / 09 / 2015 | Marianne Durand-Lacaze

"Réussir", il y a quelques années ; c’était suivre un chemin bien tracé. Aujourd’hui tout a changé. En matière scolaire, d’orientation professionnelle, comme dans le domaine affectif, tout se complique.

Que signifie "réussir" ? C’est la capacité de penser et la force d’agir, expliquent les auteurs. Plutôt s’interroger sur ce que signifie "grandir" que "réussir" aujourd’hui. Voilà une distinction d’importance pour tous ceux qui sont parents, professeurs ou acteurs liés au monde de l’éducation. Le livre entend susciter le dialogue et faire entendre un peu plus de réflexion authentique sur l’éducation pour que les enfants acquièrent tout à la fois, la capacité de penser librement et la force d’agir qui leur permettra de réussir.
Philippe Meirieu rappelle que « chaque histoire éducative est une aventure singulière et, s’il y a des principes à stabiliser comme des connaissances à acquérir, rien ne peut exonérer la réflexion devant chaque cas particulier. »

Dans ce livre de pédagogie, revendiqué comme tel, de 187 pages d’une lecture très aisée, l’auteur constate que le fait que la majorité des enfants sont aujourd’hui désirés dans nos sociétés post-modernes, inverse le rapport à l’enfant et à la famille. « Aujourd’hui, c’est l’enfant qui fait la famille. C’est à lui de faire le bonheur de ses parents, plus encore qu’à ses parents de faire le sien ! ». Il exerce son pouvoir sur les adultes de son entourage, leur demande de lui prouver leur amour, joue sur la surenchère des adultes, mais cet égocentrisme cache en même temps sa fragilité car la menace de l’abandon plane sans cesse sur lui.

Le rôle des adultes est donc d’aider les enfants à accepter sans en souffrir que le monde ne tourne pas entièrement autour de leurs propres désirs, de leur propre pulsions. C’est leur apprendre à gérer l’absence, le manque, à sursoir à l’immédiateté de leurs pulsions : « Ni oui, ni non, pas tout de suite ! » Le jeu de présence /absence est déterminant dans l’éducation, rappelle Philippe Meirieu qui déplore le recours trop systématique aux écrans, parents de substitution. Un tiers des écoliers regardent la télévision avant d’aller en classe, alerte-il.

Comme il le dit, la pédagogie « s’efforce d’articuler en permanence la réflexion sur le type d’humains que l’on veut former. La prise en compte de la situation inédite que nous vivons et la considération des cas concrets auxquels nous sommes confrontés au quotidien, peut permettre d’aiguiller la réflexion, de se forger un jugement et d’accéder - au moins de temps en temps- à ce que mon maître, le Pr Daniel Hameline, nomme "l’action sensée". Or l’action sensée en éducation aujourd’hui, c’est celle qui permet à l’enfant d’accéder à l’autonomie. »

Mais que veut-on vraiment ? Construire un individu, formater un consommateur, former un citoyen ? Demandons-nous comment faire émerger sa pensée. Voilà l’enjeu pour Philippe Meirieu. Il importe aussi, à ses yeux, que l’école de la république ne soit pas menacée par le développement de l’entre-soi

Ainsi, parmi ses recommandations ou ses rappels, on compte le recours à la contrainte féconde pour développer la créativité d’un enfant, ("raconte-moi une histoire mais avec la contrainte d’utiliser les mots de cette liste", par exemple). Sont également recommandés parmi d’autres conseils, l’usage du brouillon, le développement de l’intériorité de l’enfant sans multiplier les injonctions ("Mais réfléchis, enfin ! "), l’attente positive, l’anticipation bienveillante, la création de rituels de passage, le principe d’éducabilité de tous et de chacun....

Philppe Meirieu en appelle au courage d’éduquer devant la "crise de l’éducation" que nous vivons, liée au changement anthropologique du statut de l’enfant dans nos sociétés. Nous avons besoin d’un sursaut éducatif car la réussite professionnelle, sociale ou affective appartient à chacun et à chacune. On demande aux jeunes de choisir eux-mêmes leur propre vie, d’avoir un projet à concrétiser librement. C’est une chance pour certains, d’autres n’y sont pas du tout préparés. C’est pourquoi la formation à l’autonomie inscrite dans les référentiels de compétences ne peut plus rester un vœu pieux mais être au cœur du projet éducatif qui passe par une alliance entre la famille, l’école et enfin le cercle des "tiers-lieux" (centre de loisirs, association sportive, culturelles, humanitaire...). A l’école d’assurer sa fonction de mise à distance, de distinguer le savoir et le croire.

Construire ensemble, parents, école, tiers-lieux, un processus d’autonomisation des élèves, des enfants et des adolescents, de la crèche à l’université tel est le défi auquel les adultes doivent faire face aujourd’hui parce qu’apprendre ne va pas de soi.
Philippe Meirieu nous rappelle notre responsabilité d’aider nos enfants à réussir : « à réussir ensemble pour construire un avenir à ce monde pour qu’il y ait enfin des alternatives à la violence, à la barbarie, à l’individualisme, au pillage des ressources de la planète. »

Un livre pour tous !

Mise en ligne : 23 septembre 2015

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