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Pour une éducation humaniste , par Noam Chomsky

25 / 09 / 2015

Le linguiste et philosophe américain porte un grand intérêt aux questions d’éducation. Formé au début de sa scolarité dans un école progressiste, professeur et chercheur à l’université du M.I.T., le théoricien du langage n’a pas manqué de s’interroger sur l’éducation et ses institutions. Que signifie enseigner ou apprendre ? Comment aborder les pratiques de l’éducation ? Comment devrait être conçu l’éducation ? C’est la dimension sociale de l’éducation qui est ici principalement abordée.

Voici réunies dans cet ouvrage, les réflexions du célèbre linguiste sur des questions d’éducation sur près de 40 ans. Il y défend l’idée humaniste issue des Lumières que l’éducation ne sert pas seulement à remplir un contenant mais à accompagner l’éclosion d’êtres libres qui auraient pour valeur commune, la libre association en terme d’égalité et de partage. Cette ambition humaniste vise l’instauration de rapports de coopération démocratique et non de rapports d’accumulation et de domination. Il y défend ainsi une espérance, que certains peuvent comprendre comme une utopie. Cependant, pour qui veut s’interroger sur le sens de l’école, voilà un livre stimulant qui sort de l’ordinaire et permet de découvrir un peu le système éducatif américain et les thèses défendues par quelques-uns des penseurs anglo-saxons de l’éducation.

Ce petit livre dense comprend 3 textes quasi inconnus en France du linguiste Noam Chomsky : Pour une conception humaniste de l’éducation (1975), Démocratie et Éducation (1994) et Précis d’information et d’autodéfense intellectuelle (1999). . L’ensemble se clôt par un très bref entretien de 2010 avec le philosophe canadien de l’éducation Nicolas Baillargeon. Au fil des pages, l’intellectuel Noam Chomsky convoque les philosophes européens ou américains qui se sont exprimés au fil de l’histoire sur la finalité de l’éducation. Ce tour d’horizon conceptuel met en garde contre les effets pervers d’une éducation autoritariste qui impose l’ignorance plutôt qu’elle ne nourrit les individus pour faire société.

L’auteur livre une critique vive des différents programmes d’éducation mis en place sous G.W.Bush auxquels Barack Obama a donné un essor encore plus grand. Les effets du programme No Child Left Behind qui consiste à enseigner en fonction de l’examen ("Teaching to the test"), limitent la compréhension et la créativité : "Vous n’approfondissez pas les choses, vous chercher à réussir un examen." Évaluer les enseignants et les élèves par les taux de réussite aux examens est ici décrié mais un incurable optimisme dans le pouvoir de l’éducation semble rivé à la pensée de Noam Chomsky.

L’ouvrage aborde les théories de philosophes britanniques et américains tels que Bertrand Russell (1872-1970), ou le philosophe prussien du XVIIIe siècle Wilhelm Humbolt, théoricien de l’éducation. Pour ces auteurs, développer la capacité créatrice des enfants est la priorité de l’éducation. L’enfant est doué d’une nature propre dont le noyau est l’impulsion créatrice.... Les apprentissages ne peuvent être des conditionnements et l’individu doit en être partie prenante. La connaissance s’acquiert-elle par paliers successifs ? Est-ce un modèle à suivre ? Que faut-il pour former un bon mathématicien ? Savoir faire appel à son imagination : Il devra pouvoir se fier à son imagination. Dans les années 70, aux États-Unis, l’école fut attaquée et le premier texte de Pour une éducation humaniste s’en fait l’écho dans le contexte de la guerre du Vietnam et celui de la Guerre froide.

Dans Démocratie et Éducation (1994), le 2e texte du livre, l’auteur s’appuie sur le philosophe américain John Dewey (1859-1952) qui pensait que la réforme de l’enseignement primaire pouvait servir de levier à une réforme sociale. Là aussi, la dimension humaniste de l’éducation est affirmée comme un objectif nécessaire au fonctionnement de la démocratie. Noam Chomsky évoque aussi la pensée de philosophes ou d’hommes politiques plus classiques comme John Suart Mill, Adam Smith, Thomas Jefferson pour faire saisir à son lecteur le rôle social de l’éducation dans notre société moderne. Il nous invite à une relecture de l’histoire de la philosophie de l’éducation à travers ses auteurs familiers, en philosophe et intellectuel soucieux des préoccupations de son temps. Il présente aussi l’importance des travaux de l’économiste américaine, spécialisée sur l’étude de l’enfance et de la famille, Sylvia Ann Hewlett et les critique.

Le 3e texte, Précis d’information et d’autodéfense intellectuelle est une invitation à se tenir informé de manière générale sur des sujets divers de manière critique. Défendre des idées contraires au courant prédominant réclame de la confiance en soi, explique l’auteur. Concernant davantage une critique des médias, ce dernier texte publié à la suite des deux autres plaide, du coup, pour une éducation qui place l’esprit critique en bonne place derrière la créativité.

La lecture de cet ouvrage entraîne le lecteur sur l’interrogation philosophique de l’éducation. Écrit avant l’apport décisifs des neurosciences sur les modes d’apprentissages, il n’en demeure pas moins source d’interrogations et de réflexions dans le contexte de l’école aujourd’hui.

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