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Apprendre avec le numérique, mythes et réalités

21 / 12 / 2015 | Marianne Durand-Lacaze

Apprendre avec le numérique, mythes et réalités est un livre dense qui passe au crible, en 100 pages, onze idées reçues à propos du numérique pour l’apprentissage. Onze chapitres qui interrogent le lecteur sur la question de la plus-value du numérique pour l’élève.

Pour les auteurs, la question de l’apprentissage est aujourd’hui une question majeure dans l’éducation : les téléphones mobiles, les tablettes numériques tactiles, l’accès illimité à Internet changent la donne. Il n’est pas nécessaire de connaître les langages informatiques pour produire des ressources pédagogiques.

Le développement des MOOCs (Massive Open Online Course), les jeux sérieux, les cours multimédias ou l’apprentissage ubiquitaire constituent une famille d’outils dont nous devons apprendre à quoi ils servent avant de nous en servir.

 Est-on plus motivé quand on apprend avec le numérique ?

Le caractère interactif d’un jeu n’est pas forcément une source de motivation car pour les auteurs, dans une situation d’apprentissage, ce sont les situations qui favorisent une liberté dans les prises de décisions qui améliorent les motivations des apprenants. De plus, la performance des apprentissages peut avoir lieu sans augmentation de la motivation. En fait, la motivation dépend de la façon dont les apprenants perçoivent les nouvelles technologies : leur sont-elles utiles, leur permettent-elles de faire moins d’efforts, peuvent-elles satisfaire leurs performances ?

« En effet, Pecoste (2014) a récemment mis en évidence l’importance de la nature de la tâche d’apprentissage sur l’intention à utiliser l’outil : une tâche de lecture-compréhension d’un document hypermédia et une tâche de production-révision d’écrit. Les résultats ont clairement montré que pour des utilisateurs novices dans l’utilisation des tablettes, réaliser une tâche de lecture-compréhension améliore la perception de l’utilité et l’intention d’usage des tablettes, alors qu’à l’inverse une tâche de production-révision les diminue. »
Les utilisateurs, élèves ou enseignants perçoivent les tablettes comme engageants pour les tâches d’apprentissage. parfois, les études montrent que les tablettes n’ont pas apportée une motivation supplémentaire pour suivre ce cours mais cela a permis une meilleure prise de confiance en eux des élèves dans l’utilisation de ces tablettes.

« D’autres études indiquent que les tablettes permettent de réduire certaines inégalités entre élèves. Ceux qui sont en difficulté scolaire jugent que les tablettes contribuent à une amélioration de leur niveau scolaire (meilleur apprentissage) et de leur participation en classe. » Il faut se rappeler que les technologies les plus innovantes bénéficient généralement au début de leur usage d’un accueil assez enthousiaste qui s’estompe avec la familiarisation.

En résumé

Les auteurs défendent l’idée que les jeux sont des dispositifs d’apprentissage parmi d’autres et ne représentent pas une supériorité dans l’efficacité par rapport à d’autres dispositifs qui soutiennent un apprentissage actif. Le scénario pédagogique reste l’élément central des apprentissages scolaires et sans eux pas de jeux.

L’autonomie n’est pas la résultante d’un apprentissage avec les technologies mais bien une compétence nécessaire à la conduite d’apprentissages autorégulés. L’autorégulation, mot préféré à l’autonomie, réussie d’un apprentissage repose sur 3 compétences : les motivations, les compétences métacognitives, les stratégies cognitives.
Ainsi fournir de l’interactivité dans un apprentissage ne signifie pas obligatoirement un apprentissage plus actif ou plus profond. Il est parfois plus difficile d’apprendre avec des animations. De même, les études ont montré qu’un cours composés d’un ensemble de textes consultables à l’écran et dont la structure étaient imposée à l’écran sous forme de carte mentale des concepts du cours était plus assimilable par les élèves que le même cours présentant les mêmes textes mais demandant aux apprenants d’organiser eux-mêmes la structure de ce cours. Un simple texte peut engager un tapprentissage actif par l’élève en lui posant des questions, en faisant des hypothèses, avec ou sans numérique.

L’utilisation d’animations est jugée pertinente pour faire étudier des connaissances procédurales et motrices plutôt que pour faire étudier des connaissances déclaratives. C’est ce qui ressort des études scientifiques sur lesquelles s’appuient les auteurs. Parmi leur conseils, retenons : de segmenter les animations, de limiter le nombre d’informations à maintenir en mémoire pendant un visionnage. Le bilan montre que les animations et les vidéos sont utiles pour acquérir des savoir-faire c’est à dire des procédures.

Le mythe des systèmes numériques qui s’adaptent à l’apprentissage des élèves, au fur et à mesure ets un des plus importants en ce moment. Les auteurs pensent que pour l’instant techniquement les systèmes de feedbacks immédiats pédagogiquement puissants (qui ne s’arrêtent pas au simple QCM) ne sont pas assez développés. ils nous rappellent qu’un retour immédiat quant on apprend est un des plus puissants moteurs de l’apprentissage. Pour les élèves à besoins particuliers, l’état des outils numériques actuels donnent des résultats très encourageants.

La lecture numérique est-elle une mauvaise lecture ? Modifie-t-elle les capacités de lecture des apprenants ?
L’activité de lecture est plus complexe et associe même d’autres compétences telles que :
 l’identification de questions importantes,
 la localisation d’informations (savoir se servir d’un moteur de recherche, savoir faire des interférences sur la localisation de l’information en sélectionnant un lien...)
 synthétiser l’information,
 communiquer l’information.
L’étude menée aux États-Unis par Coiro & Dobler (2009) sur des collégiens donnent une bonne idée de la convergence et des différences entre lecture papier et lecture numérique. Elle montre que les apprenants utilisent des stratégies identiques et que la lecture sur support numérique développe également des stratégies plus complexes.
En conclusion, la lecture numérique s’enseigne et les compétences qu’elle développe doivent être reconnues et valorisées chez les apprenants.

Parmi les idées battues en brèche, l’aisance des "digital natives" avec la pratique du numérique manque sérieusement de preuves scientifiques. Il y aune grande hétérogénéité de l’usage numérique chez les jeunes. Seulement 5 à 20 % d’entre eux utilisent ces outils pour approfondir, partager et créer. Le système cognitif des jeunes n’est pas différent du nôtre, ni vraisemblablement très éloigné de celui de l’Homo sapiens.
Il semble nécessaire de faire comprendre aux élèves puis aux étudiants que ce qu’on demande de faire avec un ordinateur à la maison n’est pas ce qu’on demande à l’école ou l’université.

Dans un dernier chapitre, le mythe d ’une révolution numérique est déconstruit. Les auteurs rappellent à juste titre que ceux qui conçoivent ces outils numériques confondent enseigner et apprendre. Si je pratique tous les jours un apprentissage, même approprié en autodidaxie, mais présents dans mon environnement alors ke suis capable d’adaptations fabuleuses (exemple du calcul mental). Sommes-nous certains que les enfants aient envie de rechercher les connaissances qui leur manquent. Or comme les adultes, ils recherchent ce dont ils ont besoin.

L’école et le numérique développe un compagnonnage actif mais retenons de ce petit livre très dense que nos enfants auront toujours besoin de plus de connaissances "non immédiates", donc de plus d’école.

Pour en savoir plus

Franck Amadieu, André Tricot, Apprendre avec le numérique, mythes et réalités, Editions Céline Lorcher, Retz, septembre 2014

 Franck Amadieu est maître de conférences en psychologie cognitive à l’université de Toulouse 2
 André Tricot professeur en psychologie à l’ESPE de Toulouse

Mise en ligne décembre 2015
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