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Former l’esprit critique. Pour une pensée libre  : un livre de Gérard de Vecchi

01 / 06 / 2016 | Marianne Durand-Lacaze

L’esprit critique est plus que nécessaire aujourd’hui pour faire le tri dans les informations qui nous submergent. Apprendre aux élèves à mettre en rapport plusieurs informations, à les croiser, à faire la différence entre une opinion et une croyance réclame une appréhension critique des informations et des jugements.

Comment former l’esprit critique ? C’est la question fondamentale que s’est posée Gérard de Vecchi, maître de conférence en sciences de l’éducation et formateur.

Dans ce tome 1 décliné sous le sous-titre Pour une pensée libre, il s’agit de développer la pensée critique chez nos élèves qui confondent souvent "critiquer" et "avoir un esprit critique" pour les rendre libres d’acquérir des connaissances en dehors de l’école tout en les émancipant de leurs croyances.

" L’obstacle le plus important à la compréhension de ce qu’est "l’esprit critique" réside dans le fait que 90% des adultes donnent à l’expression " esprit critique " une connotation négative et confondent "critiquer" et "esprit critique ". Le plus grand avantage, c’est que les élèves sont enfants d’un naturel curieux et qu’il s’agit pour les enseignants d’entretenir et de développer cette curiosité que les élèves perdent en avançant en âge.

Divisé en trois parties, l’ouvrage par sa table des matières témoigne de la volonté de l’auteur de faire le tour de la question.

D’abord, l’esprit critique y est défini dans une première partie comme un concept complexe qui réclame qu’on en lève toutes les ambigüités de vocabulaire, qu’on en fasse, également, la synthèse des représentations chez les élèves et chez les adultes dans l’enseignement. Tous et toutes peuvent être concerné(e)s. Il n’y a pas pas d’âge. L’esprit critique s’aborde à partir de n’importe quelle situation d’apprentissage disciplinaire dit Gérad de Vecchi et "éducative" pourrions-nous ajouter.

En cherchant avec les élèves à distinguer le vrai du faux à partir de leur productions, l’enseignant en les faisant réagir, suscite un questionnement qu’il co-construit avec les élèves en les faisant s’interroger sur les relations existantes entre les différents éléments d’une expérience par exemple. Un questionnaire écrit peut être donné à l’élève sur la manière dont celui-ci a vécu les "critiques" de ses camarades et comment les a-t-il intégrées dans sa production finale. De manière spontanée, les critiques émanant des élèves correspondent le plus souvent à des erreurs constatées. Or il s’agit d’une étape à franchir importante dans le développement de l’esprit critique des élèves. Voire non plus la faute mais l’erreur pour apprendre ce qu’il est juste de retenir. Pour dépasser ce stade et développer l’idée d’entraide et d’autocritique, il est essentiel de travailler avec les élèves dans la longue durée pour qu’ils s’approprient les attitudes et les compétences de l’esprit critique. Ce livre place le lecteur en situation de questionnement et peut être aisément critiqué. Il ouvre la voie à intégrer dans les pratiques pédagogiques courantes, une culture critique positive. Ainsi s’interroger sur les stratégies de manipulation peut paraître étrange mais confronte l’adulte lecteur à sa propre stratégie face aux situations rencontrées. La dizaine de stratégies de manipulation identifiées et attribuées à Noam Chomsky, sont rappelées.

De plus si la publicité est bien interdite à l’école, de grandes enseignes commerciales n’hésitent pas à développer des campagnes publicitaires sous forme de kits pédagogiques, fournis clef en main après une inscription de la classe sur internet. Les élèves peuvent entrer dans une démarche éducative avec un tee-shirt sponsorisé sans en avoir conscience. Il importe d’être vigilant et de se demander "qui gagne quoi ?", même dans une démarche pédagogique. De même qu’avoir conscience de certaines subtilités ne signifie pas forcément non plus, avoir un esprit critique.


Sur quels critères se fonder pour le définir ?

Être curieux et ouvert au monde ;
Accepter l’erreur ; surtout ne pas la vivre comme une faute.
Considérer la critique comme une action constructive ;
Donner de l’importance à l’argumentation ; ne pas affirmer gratuitement.
Savoir confronter ses opinions ;
Passer à l’action.
En voici donc les principes de bases clairement identifiés.
A titre d’exemples, citons : que savoir que l’analogie n’est pas une preuve, ne pas oublier d’accorder toute son importance à l’incertitude d’un résultat, considérer comme fondamentale l’identification des sources…L’inventaire dressé est bien utile pour choisir quelques-uns de ces principes à mettre en oeuvre en situation de classe, le plus souvent possible.

Quelques exercices d’analyse critique sur une expérience, un texte, un document ne permettent pas aux élèves d ’acquérir un esprit critique définitif sur ce qu’ils vivront ailleurs et ultérieurement.

Il est une compétence à développer et le texte du nouveau socle commun rappelle que :

« Les élèves devront être capables de jugement et d’esprit critique, ce qui suppose :

 savoir évaluer la part de subjectivité ou de partialité d’un discours, d’un récit, d’un reportage ;
 savoir distinguer un argument rationnel d’un argument d’autorité ;
 apprendre à identifier, classer, hiérarchiser, soumettre à critique l’information et la mettre à distance ;
 savoir distinguer virtuel et réel ;
 être éduqué aux médias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la société ;
 savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d’affectivité, de l’influence de préjugés, de stéréotypes).

L’avantage de l’ouvrage est d’englober les cas de situation de la maternelle au Lycee. Chaque enseignant du premier au second degré y trouvera de quoi nourrir sa réflexion.
L’esprit critique y est considéré comme une culture du questionnement à développer. Il se manifeste dans des activités qui doivent être dans des situations-problèmes ou des tâches complexes. Il ne se limite pas à une simple capacité, il se nourrit de connaissances et de confrontations d’hypothèses. Il offre la possibilité d’activité d’échanges entre paires précieuses. Il peut rassembler les élèves autour d’un accord commun ou d’une interprétation collective. Le travail en groupe favorise ses activités si les activités répondent à une démarche méthodologique du questionnement.

Si dans le discours, l’ensemble du corps enseignant est favorable à son enseignement, dans la pratique, il arrive que les enseignants répondent aux questions que les élèves se posent, à leur place et ne laissent pas le temps du cheminement intellectuel qui permet à l’élève de construire une argumentation, une critique, une interprétation.
La pratique du débat pour construire des projets citoyens et des parcours citoyens est vivement encouragée dans la réformes du collège et dans le nouveaux programmes. dans ce livre, plusieurs chapitres lui sont consacrés, plusieurs exemples de débats d’opinion sont donnés, quelles en sont les étapes ? Comment analyser des arguments ? Quelle valeur donner aux arguments analysés ? Quels arguments ont trouvé les élèves ? Comment analyser une rumeur ? L’éducation aux médias, mais aussi la capacité à pouvoir donner son opinion sur un sujet de société fait sens dans notre vie démocratique et ne va pas de soi dans une société saturée d’informations, données en temps réel ou légèrement différées. Côté enseignants, les audaces pédagogiques sont à inventer à chaque fois, à renouveler, à diffuser pour initier à la pensée critique : faisons confiance à la curiosité des enseignants et de leurs élèves.

Pour en savoir plus
 Gérard de Vecchi, Former l’esprit critique, 1. Pour une pensée libre, ESF Editeur

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