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"Le texte recréé "– Une démarche du Groupe Français d’Education Nouvelle (GFEN)

01 / 06 / 2016 | Marianne Durand-Lacaze

Atelier "Le texte recréé" animé par Laurent Carceles, pour le GFEN IdF

L’atelier "Le texte recréé" s’appuie sur l’ouvrage de Jeanne Dion (membre du GFEN) et de Marie Serpereau, Faire réussir les élèves en français de l’école au collège, (Delagrave, 2009) offre une dimension pratique et concrète pour repenser l’enseignement du français. Elles y font le pari que nous, collégiens ou adultes pouvons nous placer dans les pas de l’écrivain (pp.178-198). Être écrivain, c’est surtout beaucoup écrire pour parvenir à une forme et un fond qui tranchent avec ce qui a déjà été écrit et lu. Mais, au moment d’écrire, les écrivains, eux aussi, comme nous tous, cherchent "leurs" mots. Ils hésitent entre l’un ou l’autre des fameux prétendus synonymes, pour opter pour ce mot-là.

Très rapidement, les collègues qui ont suivi cet atelier ont repéré que c’est le sens qui fait le lien et permet de tisser, au sein du collectif, la trame du texte et non la mémoire d’un mot à mot, ou d’une lecture linéaire, comme les lecteurs fragiles la pratiquent.
Chercher à recréer un texte par une série d’essais, d’erreurs, de corrections, illustre concrètement le fait qu’il est essentiel de se "tromper" pour chercher, tout en constatant aussi que l’erreur ne fait qu’ouvrir une autre piste d’un autre texte possible. Ce sont ces essais et des erreurs qui permettent à la dernière voix de trouver le mot "juste" — c’est à dire, celui que l’auteur a choisi.

Même si les participants au stage n’ont fait que rarement des phrases complètes, comme l’a fait remarquer l’un d’entre eux, la complexité de la syntaxe et des questions grammaticales ont été aussi éclairée par cette démarche. Une suite de mots implique d’autres mots. Tout n’est pas possible dans un texte, et si une règle est enfreinte, cela a du sens. Par exemple, dans le texte proposé extrait de la La vie de Galilée : pourquoi Brecht commence ses phrases par "Car" ? A nous de chercher pour recréer le texte.

Le texte recréé est né dans le cadre du groupe expérimental du XXème arrondissement animé par Henri Bassis dans les années 1970-80. Conçu comme l’élément d’un trio "d’outils pédagogiques", il accompagnait la démarche du "texte libre" (écrire ce qu’on veut sous la forme que l’on veut) et ou celle du "texte d’observation" (décrire ce qu’on a observé dans le cadre d’un travail expérimental en vue de rédiger une règle). L’ensemble est présenté dans l’ouvrage épuisé Je cherche donc j’apprends, Messidor, éditions sociales (1984). Henri Bassis le présentait comme une contre-explication de texte. L’animateur de l’atelier, Laurent Carceles, le 9 mai l’a présenté comme une explication de texte, autre. En classe, la méthode habituelle a tendance à niveler toute velléité de recherche. On prend un axe efficace et on produit une lecture du texte qui ne tient pas compte des lectures possibles des élèves (par quelle entrée du texte seraient-ils passés ? L’enseignant ne sait pas forcément par quel biais, mot, tournure, idée les élèves vont entrer, sont entrés, entrent dans un texte et ne fait pas forcément réagir les élèves sur le fait d’être face à un texte dont les interprétations sont multiples, (cf. les travaux d’Umberto Eco, de L’oeuvre ouverte aux Limites de l’interprétation). Plutôt que d’en rester à une méthode, parce qu’il n’y en a pas une seule, et qu’aucune n’est la bonne, "le texte recréé" permet de penser une explication de texte nourrie d’entrées singulières qui donnent sens à un travail collectif, voire au collectif pour le GFEN.

"Le texte recréé" propose, dans le même temps, de vivre la dimension littéraire du texte, loin des écueils du réductionnisme techniciste dont nous pouvons tous être, par souci de rapidité, les Mme Jargonos (personnage de La grammaire est une chanson douce d’Erik Orsenna). "Le texte recréé" redonne du sens à la forme scolaire de l’explication de texte si on n’y plaque pas une interprétation autorisée préexistante, ou une grille de lecture qui réduit les possibles textuels.

Selon les propos de l’animateur, chaque recréation de texte permet de découvrir un nouvel aspect, un nouvel élément du texte par le truchement d’éclairages issus des champs lexicaux, des passages plus facilement ou difficilement recréés, de l’interprétation/explication collective, du sens général du texte, des repérages formels qui passent inaperçus parce qu’on n’observe plus vraiment un texte d’un œil neuf une fois qu’on en a repéré une structuration.

"Le texte recréé" est une démarche du GFEN.

Pour en savoir plus

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