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Le coin du CNESCO juin 2016 - Mixités sociale, scolaire et ethnoculturelle à l’école

05 / 07 / 2016 | Marianne Durand-Lacaze

Le Cnesco et le CIEP ont organisé, en partenariat avec le Conseil supérieur de l’éducation du Québec, une conférence de comparaisons internationales (juin 2015) sur le thème : « Mixités sociale, scolaire et ethnoculturelle à l’école : quelles politiques pour la réussite de tous les élèves ? »

Quelle est l’ampleur de la ségrégation sociale et scolaire dans les collèges et les lycées en France ?
Quelles sont les politiques mises en œuvre dans les autres pays de l’OCDE pour favoriser la mixité sociale à l’école ?
Que font certains établissements français pour améliorer la mixité au sein de l’école ?

La question de la mixité ou des mixités est récurrente depuis de nombreuses années. Pourtant, si l’absence de mixité sociale et scolaire saute aux yeux dans certains établissements, force est de constater qu’aucun appareil de mesure de statistique nationale n’a été élaboré pour quantifier ou qualifier cette réalité.
Percer l’opacité de ce phénomène pour en mettre à jour les mécanismes, évaluer quantitativement et qualitativement son existence et ses effets et enfin, aboutir à des préconisations pour avancer dans la recherche de solutions : tel a été le défi que s’est donné le CNESCO en organisant cette Conférence de comparaisons internationales en Juin dernier.

Vous trouverez d’abord dans le dossier de la Conférence des éléments quantitatifs et des compte rendus d’étude montrant que les ségrégations sont une réalité tangible et caractéristique des écoles françaises. L’analyse des chiffres nationaux recueillis sur la ségrégation sociale et scolaire révèlent une réalité très complexe. La ségrégation n’est pas généralisée à tous les établissements et varie selon les territoires, elle prend des formes différentes (active –classes de niveau- ou passive -jeu des options-) selon les lieux, les niveaux, les filières, mais les analyses montrent combien la combinaison de différents facteurs (géographie et organisations territoriales, type de formations, niveau des élèves, etc…) aboutit à ce que les élèves ne se « rencontrent pas » vraiment. Ainsi, Un nombre non négligeable d’établissement vivent quasiment sans élèves de milieux très favorisés ou de « bons élèves » : 10% des élèves fréquentent un établissement qui accueille au moins 63% d’élèves issus de milieux socialement très défavorisés (ouvriers, chômeurs ou inactifs) et côtoient moins de 6% de « bons élèves » dans leur niveau d’enseignement. Au contraire, d’autres établissements concentrent des élèves de bon niveau scolaire et de CSP élevées : 5% des élèves de 3ème ont plus de 60% de CSP+ dans leur niveau d’enseignement et côtoient plus de 43% de « bon élèves » dans leur niveau d’enseignement.

Ainsi un élève d’origine sociale très favorisée (un enfant de chef d’entreprise, profession libérale, cadre d’entreprise, de la fonction publique ou d’enseignant) a, dans son établissement, presque deux fois plus de camarades appartenant aux mêmes catégories sociales que lui qu’un élève de classe moyenne ou populaire, cependant que 12% des élèves fréquentent un établissement qui accueille 2/3 d’élèves issus de milieux socialement très défavorisés (ouvriers, chômeurs ou inactifs), c’est-à-dire qu’ils vivent au quotidien dans des établissements presque exclusivement défavorisés.

Sont étudiés ensuite, grâce à l’apport de données internationales, les effets dévastateurs de la ségrégation sociale sur la cohésion nationale. Des études menées dans des contextes internationaux variés (USA, Angleterre, Irlande, pays nordiques, Inde...) et synthétisées par le CNESCO et le CSE québécois dans le rapport de cette Conférence montrent que cette ségrégation sociale et scolaire avérée n’est pas anodine et mettent en évidence des effets puissants et dévastateurs sur les attitudes citoyennes des jeunes, la vie en collectivité et les apprentissages scolaires. Associé à une série large d’indicateurs sociétaux négatifs en termes d’attitudes citoyenne, civiques, de croyance dans les institutions, de capacité de communication, de tolérance et même de santé (dont la consommation de stupéfiants), le séparatisme scolaire et social nuit également aux apprentissages des élèves en difficulté.
Ce phénomène explique pour partie les difficultés de l’Education prioritaire depuis 30 ans. Malgré les moyens nécessaires distribués dans le cadre de cette politique de compensation territorialisée, malgré l’implication des équipes pédagogiques, ces établissements qui concentrent les élèves à risque sont affectés de plein fouet par les effets dévastateurs de la ségrégation scolaire.
« La ségrégation sociale est une bombe à retardement pour la société française ».

Sur le plan international, des expériences riches de politiques de mixité sociale à l’école (aux USA, en Suède, au Chili, en Angleterre, aux Pays-Bas...) sont ensuite présentées dans le dossier et montrent que la « boîte à outils de la mixité sociale » est riche, variée, et peut conjuguer différents leviers (ajustements de cartes scolaires, quotas d’élèves dans les établissements, affectations par loterie, transport d’élèves défavorisés vers des établissements plus huppés -le busing américain-, système régulé d’inscriptions des élèves intégrant l’impératif de diversité sociale, ouverture de l’enseignement privé avec des bons scolaires, mobilisation des parents...).
Les différentes politiques testées et le recul historique qu’elles offrent sur leur succès, leurs difficultés et parfois leurs échecs, permettent de tirer un ensemble d’enseignements utiles aux décideurs français.

Sont ensuite présentées six exemples d’actions volontaristes menées en France dont l’objectif est de créer ou renforcer la mixité sociale et scolaire. Elles se déploient sur différents territoires, concernent l’école, le collège ou le lycée et explorent l’efficacité de leviers différents.
Ainsi, en Meurthe et Moselle ou à Guyancourt, on joue sur la rénovation et la refonte de la carte scolaire en faveur de la mixité, pour que chaque école, sans exception, présente une population socialement équilibrée. A Nancy, on élabore et met en œuvre une politique d’établissement originale pour garder au sein d’un collège « difficile » les élèves les plus favorisés du quartier (développement d’un axe sur le bien-être à l’école dans le projet d’établissement avec pratiques créatives, sportives, culturelles etc…). A Evry, on recréer la mixité ethnoculturelle dans un Lycée Professionnel par la mise en place d’une seconde professionnelle à orientation progressive (les spécialités commerce, vente ou accueil sont choisies en 1ère), ce qui a permis de préserver une réelle mixité dans les classes de seconde. En Picardie, à Chauny, on a réuni un Lycée Général et un Lycée Professionnel pour pouvoir mélanger les populations scolaires jusqu’alors très ségrégées entre les deux établissements.
A Nîmes enfin, on fait appel à la Recherche pour travailler sur la mixité scolaire et on entraîne parents, enseignants et acteurs locaux dans une réflexion partagée.
Ces expériences sont récentes, et, si elles ne peuvent encore montrer un bilan complet, elles affichent clairement que les acteurs de terrain, sensibilisés aux effets des ségrégations, peuvent décider de les combattre.

Le dossier comporte enfin des préconisations déclinables en plusieurs temporalités et dans différents domaines. Ces préconisations sont organisées autour de trois axes :

Des actions à mener dans l’immédiat, compte tenu de l’urgence sur certains territoires et de la nécessité de s’engager, dès à présent, dans des politiques locales actives de mixité à l’école ;

• Des programmes et des politiques visant à impliquer l’ensemble des professionnels de l’éducation des secteurs d’enseignements public et privé, des parents et des élèves car les politiques de mixité sociale ne peuvent se construire et durer sans l’adhésion et l’action conjointe de tous les participants de la communauté éducative ;

Des dispositifs ou programmes visant à développer et diffuser les connaissances sur les pratiques et les effets des ségrégations sociales et scolaire dans l’école française, connaissances aujourd’hui encore parcellaires ou, quand elles existent, méconnues notamment du grand public, et plus particulièrement des parents.

Ce dossier est complet, clair, facile à appréhender. Il nous semble aujourd’hui indispensable de comprendre les mécanismes sous-jacents qui, dans notre école, persistent à entretenir de l’échec, et ces travaux y contribuent. L’ambition du Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture nous imposent de travailler efficacement à la réussite de tous. L’équité scolaire n’est pas seulement humainement souhaitable, elle est un enjeu de société.

Pour en savoir plus

MIXITÉS A L’ÉCOLE : Pour accéder aux publications :

Vous y trouverez :

Un dossier de synthèse sur le thème : bilan des recherches scientifiques en France et à l’étranger, des présentations de projets d’établissements innovants et la synthèse des préconisations (juin 2015)
Les préconisations du Cnesco (juin 2015)
Deux rapports scientifiques :
 État des lieux de la mixité sociale et scolaire dans les collèges et lycée français, Son Thierry Ly et Arnaud Riegert (juin 2015)
 Rapport international : la mixité sociale à l’école, Gabriel Rompré (juin 2015)
Une enquête du Cnesco menée auprès des chefs des établissements (collèges et lycées) sur la constitution des classes (sept. 2015)
Une note d’actualité
 École, immigration et mixités sociale et ethnique, Cnesco (janv. 2015)
Les présentations PPT des intervenants de la conférence (juin 2015)
Des projets innovants (juin 2015)

 Un dossier de ressources Canopé de février. 2015