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La constante macabre

31 / 03 / 2017 | Gregory Quiquempois
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Depuis des années, il commence ses conférences par cette phrase : imaginez un nouveau professeur de mathématiques, arrivant dans un collège et qui viendrait en conseil de classe avec une moyenne de classe de 16/20, son travail serait immédiatement jugé suspect, tant par ses pairs, que par le chef d’établissement et les parents d’élèves. Comme si pour être crédible, une évaluation devait impérativement être accompagnée d’une part d’échec. Ce constat est celui d’André ANTIBI, professeur à l’université Paul-Sabatier de Toulouse. Dans son laboratoire de didactique il a identifié le phénomène suivant : inconsciemment, les professeurs, vont chercher à obtenir une moyenne de classe proche de dix, c’est ce qu’il a baptisé « La constante macabre ».

Loin de vouloir mettre en accusation les professeurs, M. ANTIBI explique que la constante macabre est un phénomène inconscient lié à la tradition de l’évaluation en France. En effet, l’expression « avoir la moyenne » n’existe que chez nous et pendant trop longtemps la courbe de Gauss a été présentée comme une répartition idéale des notes attestant que l’évaluation avait été bien construite.
En théorie des probabilités, la loi de Gauss est la loi la plus répandue. Pour expliquer cette loi simplement, on peut dire que lorsqu’on fait de très nombreuses observations d’un phénomène naturel (par exemple le diamètre des troncs d’arbre, la taille moyenne des français, etc.), on parvient toujours au même constat : la courbe des résultats prend la forme d’une cloche ; les résultats culminent autour d’une valeur.
Alors qu’en est-t-il de la répartition des notes au sein d’une classe ? Une note est-elle un phénomène naturel ? Bien sûr que non tant cette dernière est multifactorielle. Un groupe classe constitue-t-il un grand nombre d’observations ? Là encore les statisticiens sont formels, la réponse est non (M. ANTIBI a présenté en détail la constante macabre dans un ouvrage intitulé La Constante Macabre ou comment a-t-on découragé des générations d’élèves ? paru chez Math’Adore en 2003).

Une fois la constante macabre identifiée, il se pose la question des moyens par lesquels l’enseignant parvient à obtenir une moyenne proche de 10/20. En premier lieu, la difficulté du sujet est l’élément le plus pratiqué pour obtenir une moyenne « jugée acceptable par tout à chacun », mais ce n’est pas le seul. La longueur du sujet, le barème, la tentation de faire un beau sujet balayant la totalité du programme de révision et comportant au moins une question destinée à « l’élève musclor » que l’on veut également occuper jusqu’à la fin du contrôle sont autant de moyens permettant d’obtenir une moyenne proche de 10.
Enfin les exigences rédactionnelles, même si elles sont tout à fait légitimes et nécessaires peuvent amener l’enseignant à enlever un nombre de points conséquent, alors que la réponse est exacte…
Pour illustrer ce dernier point, M. ANTIBI aime citer un exemple en mathématiques pour monter que les exigences rédactionnelles peuvent être sans fin.

Exercice : résoudre une équation à une inconnue :
2x = 8

Quelques exemples de rédaction…
Exemple 1 : 4
Exemple 2 : x = 4
Exemple 3 : la solution est x = 4
Exemple 4 : comme 2 x 4 = 8 donc la réponse est 4
Exemple 5 : la solution est x = 4 car 2 x 4 = 8

Si la grande majorité des professeurs de mathématiques s’accorde à donner la totalité des points pour cette dernière réponse, d’autres n’en octroieront que la moitié, car la réponse attendue se doit d’être davantage rédigée.

On sait que dans une égalité on peut diviser les deux membres par un même nombre non nul.
Divisons les deux membres de l’égalité 2x =8 par le nombre 2 qui est non nul
2 x / 2 = 8/2

Donc la solution de cette équation est x = 4

Là encore, et pour pousser la démonstration à l’extrême, certains professeurs pourraient enlever un point car la réponse n’est pas soulignée, en rouge et à la règle…

Il s’avère que la constante macabre est un dysfonctionnement reconnu par la totalité des syndicats de l’enseignement privé comme public, par l’institution et les fédération de parents d’élèves. Mais loin de se contenter du constat, M. ANTIBI propose une solution qui supprime la constante macabre et permet de faire davantage travailler les élèves : l’EPCC, c’est-à-dire l’enseignement par contrat de confiance.