C.A.R.D.I.E. - E.A.F.C. Cellule académique recherche, développement, innovation, expérimentation

Un conseil de classe participatif pour redonner une place centrale à l’élève

25 / 05 / 2021 | Anaëlle Weiss

Quel dispositif ?

Des conseils de classe repensés dans le temps, les espaces et les rôles pour rendre les élèves actifs voire acteurs de leur parcours de formation, les faire coopérer, les valoriser et les responsabiliser davantage.

La fonction pédagogique devient centrale : il ne s’agit plus de "tenir le conseil" au sens d’une réunion qui statue, mais bien plutôt de "tenir conseil". Ce déplacement de centre d’intérêt se concrétise à travers la mise en place d’un véritable entretien, nouvel épicentre, dans lequel l’élève présente à un professeur et à ses parents, son bilan et ses perspectives.

De la préparation avec l’élève à l’entretien, le pari tient au renversement des postures enseignant/élève et à la mise en place de formes d’accompagnement diverses, où oral et collaboration se mêlent.

Avec une réunion "plénière" remaniée, et un véritable dispositif d’accueil des parents, l’objectif est également de donner une place plus importante aux élèves délégués, aux parents et à leurs représentants.

Une expérimentation qui touche à de nombreux thèmes :

  • Confiance,
  • bien-être,
  • climat scolaire
  • Citoyenneté
  • travail collectif
  • co-éducation
  • Langue française, écrit et oral
  • Méthodes pour apprendre
  • Personne et citoyen

Exemple de fiches d’analyse 6° :

Fiche d’aide pour les délégués

Avec quels participants ?

En rassemblant tous les acteurs et partenaires éducatifs un même soir, le conseil de classe devient un temps fort de l’établissement, autour de l’élève, avec une redistribution des rôles :

  • des élèves actifs dans une instance dont ils sont habituellement absents
  • des délégués élèves avec un rôle formateur et valorisant
  • des professeurs principaux qui travaillent en amont avec les élèves à partir de séquences coopératives
  • des enseignants en posture d’accompagnement des élèves lors d’entretien-conseils
  • des CPE et AED associés à la préparation des délégués
  • une direction qui prend part aux entretiens
  • des parents accueillis dans un dispositif bienveillant, et qui viennent d’abord pour écouter leur enfant
  • des représentants de parents qui rencontrent désormais l’ensemble des parents, et peuvent, dans un espace convivial, se faire connaître, nouer des liens, répondre aux questions, mettre en place des actions de sensibilisation.
  • un Psy EN présent pour rencontrer les élèves de 3° et leur famille

Quelques chiffres :

  • 691 élèves
  • 44 enseignants, dont Sophie Diez et Bruno Courbou
  • 24 autres participants
  • 4 niveaux

Dans quel établissement ?

Le collège Paul Valéry de Thiais, dans l’académie de Créteil, est un collège de banlieue parisienne qui présente une grande hétérogénéité de niveaux scolaires.

Pourquoi ce projet ?

Un constat partagé : le conseil de classe n’apporte pas de plus-value en termes de formation : il s’apparente à une chambre d’enregistrement de notes et d’appréciations, qui ne se borne qu’à des constats, voire des conclusions. La fonction pédagogique est largement minimisée au regard de sa fonction sociale d’information et d’orientation.

Dans son organisation, le conseil est également une instance très déférente, verticale, voire autoritaire. Elle n’associe pas ou peu les élèves alors que ce sont pourtant les premiers concernés. Le bulletin est souvent source d’incompréhensions et de tensions chez les élèves. Il ne permet pas non plus aux parents les plus éloignés de l’école et de ses "codes", d’accompagner leur enfant dans la scolarité.

Dans la formule traditionnelle du conseil de classe, délégués élèves et représentants de parents ont un rôle limité. Ils sont la plupart du temps spectateurs et n’apportent pas d’informations significatives.

Plus précisément :

 Compréhension des bulletins par les élèves : impossible pour les enseignants d’identifier la manière dont les appréciations sont comprises.

 Qualité de la prestation orale des élèves : aucune prestation orale, temps de parole proche de 5%

 Relation professeur-élève lors de l’entretien : relation essentiellement directive. L’enseignant commente le bulletin et donne des conseils devant un élève qui la plupart du temps écoute et acquiesce.

 Relation parent-élève lors de l’entretien : peu d’interactions entre eux. Lorsqu’il y en a, les parents sont souvent en demande d’explications, et l’élève en posture de justification.

 Relation parent-professeur lors de l’entretien : la relation de face-à-face avec un enseignant qui prend la parole pour mener son analyse et donner ses conseils de manière directive, peut provoquer de vives réactions chez les parents.

Quelles sources d’inspiration ?

L’entretien d’explication , Pierre Vermersch, 1994 :
L’auteur décrit les bases d’une technique d’entretien utilisable dans le domaine de l’enseignement, et qui peut permettre à l’élève de mieux prendre conscience de ce qu’il fait et comment il s’y prend.

La classe renversée . L’innovation pédagogique par le changement de posture, Jean-Charles CAILLIEZ, 2017 :
L’ouvrage traite du renversement de postures enseignant/élèves pour rendre la classe plus active et responsabiliser davantage.

Les gestes professionnels dans la classe, Ethiques et pratiques pour les temps qui viennent , Dominique BUCHETON, 2019 :
Un ouvrage qui permet de comprendre le jeu des postures entre enseignant et élèves en classe. Ce jeu se retrouve également dans les entretiens individuels.

Quand ?

Ce projet court du 01/12/2017 Au 04/07/2021.

Comment ce projet est-il mis en oeuvre ?

Accompagné par son professeur principal et aidé de ses camarades, chaque élève prépare en heures de vie de classe son bilan semestriel. Le jour du conseil de classe, il le présente à ses parents et à un professeur, dans un entretien nommé « entretien-conseil ».

Pour l’élève, la préparation est l’occasion de vivre un travail coopératif et de développer des compétences à l’oral lors de simulations d’entretiens.

Le jour du conseil se tiennent :

  • Des réunions par classe d’une durée réduite. Les délégués élèves y sont davantage responsabilisés puisqu’ils font le bilan du semestre traditionnellement réservé au professeur principal. Pour cette tâche, ils sont formés en amont notamment par la vie scolaire.
  • Des entretiens-conseils donnant aux élèves l’occasion de s’exprimer, d’être actif et acteur de leur parcours de formation.
  • Un accueil pensé pour les parents : musée pédagogique, espace rencontre avec leurs représentants, entretiens avec le psy EN, stand convivialité animé par des élèves.

Modalités de mise en oeuvre

L’année est organisée en semestres. Les conseils de classe se déroulent vers fin janvier sur 4 soirées avec chaque soir toutes les classes d’un même niveau (ex : 6 classes de 6° le même soir). Sur une soirée se tiennent les réunions plénières des 6 classes (durée : 20 à 30’ pour chacune d’elles, 3 avec le chef d’établissement et 3 avec son adjoint) suivies des entretiens-conseils.

Pour un collège de 600 à 700 élèves, un enseignant assure en moyenne 16 à 18 entretiens de 15’, soit 4h à 4h30 pour l’ensemble de ses classes, en plus des réunions plénières (ex : 5 classes x 20’ à 30’ = 2h). La durée réduite des plénières permet ainsi de travailler à moyens horaires constants par rapport aux conseils de classe traditionnels.

Un enseignant pilote le dispositif et coordonne le travail des professeurs principaux, des enseignants et de la vie scolaire.

Quel bilan pour ce projet ?

Auto-évaluation de l’action par l’équipe pédagogique :

Une expérimentation très concluante sur 3 classes en 2017, nous a amené à généraliser le dispositif à l’ensemble des classes de l’établissement l’année suivante. Lors de cette généralisation, une enquête de satisfaction a été menée auprès des élèves, des parents et des enseignants.

Résultats :

  • 95% des enseignants sont convaincus de l’intérêt de ce dispositif
  • 97% des parents trouvent cette formule intéressante voire très intéressante. Pour les 3/4 d’entre eux, la formule permet à leur enfant de mieux comprendre le bulletin, de lui apprendre à s’exprimer à l’oral et de favoriser le dialogue parents-enfant-professeurs
  • 91% des élèves ont apprécié la formule, 89% affirment avoir mieux compris leur bulletin, 90% pensent que ce dispositif peut les aider

Le dispositif est suivi par la CARDIE de Créteil.

 Taux présence parents/élèves remise des bulletins : en 2016 : 80% ; en 2019 : 95%

 Temps moyen de parole élèves lors remise bulletin : en 2016 : 5% ; en 2019 : 30%

 Compréhension des bulletins par les élèves : la préparation en amont du conseil permet aux professeurs principaux d’identifier le niveau de compréhension des appréciations. Celui-ci s’améliore significativement.

 Lors de l’entretien :

  • Qualité de la prestation orale des élèves : des élèves plus à l’aise
  • Relation professeur-élève : des enseignants davantage en accompagnement de l’élève
  • Relation parent-enfant : des enfants davantage écoutés par leurs parents
  • Relation parent-professeur : une atmosphère plus détendue

Retrouvez la vidéo de présentation du projet



Et après ?

Le conseil de classe participatif peut entrer en congruence avec de nombreux dispositifs dans un établissement : coéducation, tutorat, évaluation par compétences, classe sans notes, classe coopérative, conseil coopératif, etc. Il s’intègre totalement dans des visées de développement des compétences orales et coopératives, de responsabilisation et d’autonomisation, de prise en compte des processus motivationnels de l’élève. En cela, le conseil de classe participatif peut devenir un véritable outil pédagogique et un maillon donnant du sens à tout un projet d’établissement.

Ce conseil de classe autrement au collège Paul Valéry fait aussi l’objet de cet article dans le cadre des restitutions du groupe de travail 2019-2020 sur les conseils de classe autrement.

Développement et suite de l’action

De nombreux enseignants et chefs disent être très intéressés par ce type de démarche, mais se heurtent à des freins au changement. Pour faciliter l’évolution des conseils de classe, il semble important :

  • de débuter par une expérimentation sur deux ou trois classes, avec une équipe d’enseignants volontaires
  • d’associer enseignants, parents, représentants de parents dans le suivi de l’expérimentation (conseil pédagogique, réunion avec les représentants, conseil d’administration)
  • de mettre en place un dispositif à moyens horaires constants par rapport aux conseils de classe traditionnels
  • d’être accompagné par la CARDIE.

Dans l’académie de Créteil, l’équipe de ce projet a proposé à la DAFOR (Division Académique de la Formation) d’intervenir dans les établissements souhaitant être accompagnés. Déjà plusieurs collèges l’ont sollicitée et passent aujourd’hui à des formules participatives. L’accompagnement par des personnes ressources permet aux équipes de gagner beaucoup de temps et d’énergie.