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Les conseils de classe participatifs : réinventer les conseils de classe pour envisager et former les élèves à être des interlocuteurs valables

17 / 05 / 2022 | Anaëlle Weiss

Le vendredi 8 avril 2022, l’équipe des classes coopératives du lycée Jacques Feyder a quitté Épinay-sur-Seine pour rejoindre la rade de Cherbourg.

C’est dans le CDI du collège REP+ les Provinces, surplombant la mer, que la rencontre a eu lieu entre les collègues des deux établissements. Cette mer que certains élèves du collège confessent n’être jamais allés voir de leurs yeux. À l’image de certains des élèves spinassiens qui ne se sont jamais aventurés dans la capitale à 45 minutes de marche de chez eux. Cette convergence, on la connaît mais en parler de vive voix nous la fait ressentir. Cette fois, la richesse des rencontres stimulantes et des échanges informels autour d’un café n’ont pas été sacrifiés sur l’autel de la facilité des écrans interposés, comme lors de notre première rencontre, en juin 2021. Nous sommes tous là.

Le conseil de classe participatif : qu’est ce que c’est ?

En théorie, le conseil participatif c’est… un entretien oral entre l’élève, les délégués, les professeurs, le CPE et la direction. L’élève propose l’appréciation de son bulletin et l’engagement qu’il se fixe pour le trimestre prochain.

Nous avons dédié l’après-midi à questionner la pratique de ces conseils de classe participatifs dans nos deux établissements. Cet article relate la rencontre d’un collège de Normandie avec un lycée d’Île de France.

 Le collège Les Provinces a mis en place des conseils participatifs dans les classes de 4e à partir de la rentrée de septembre 2021. Ils ont pour objectif de l’étendre à terme aux classes de troisième pour mettre en place une continuité pour les élèves.
 Le lycée Jacques Feyder organise des conseils de classe participatifs au sein des quatre classes coopératives de l’établissement depuis cinq ans : deux classes de seconde, une classe de première STMG et une terminale générale.



Nous avons organisé collectivement l’après-midi autour de trois axes de questionnement :

  • sur nos objectifs ;
  • sur les observables positifs
  • sur nos difficultés.

Après un premier temps de réflexion individuelle sur post-it, nous avons regroupé les différents axes qui ressortaient pour l’ensemble des enseignants présents afin d’évoquer chacun d’entre eux et de lever doutes, implicites, questionnements. L’objectif était surtout de susciter du doute fécond afin de co-construire les chemins, jamais arrêtés, que prendront dans nos deux établissements respectifs les conseils de classe participatifs.

Le premier temps d’échange a porté sur la mise en parallèle des objectifs des conseils participatifs – définis par l’ensemble des équipes, qui sont de développer des compétences à l’oral, de créer du lien entre communautés éducatives, élèves et parents, et de solliciter l’implication des élèves dans leurs apprentissages – et les observables positifs. Alors que ceux-ci ont été regroupés par deux groupes différents, ils peuvent être mis en parallèle avec les objectifs cités plus haut, bien que plus étayés :
1) Implication, sérieux, réflexivité
2) Relation, échanges profs/parents/élèves
3) Compétences orales.



La suite majoritaire de l’échange a été dédiée à réfléchir et proposer des pistes concernant nos difficultés :

  Expliciter les conseils des professeurs

« Approfondir son cours », « Prendre confiance en soi », « Travailler plus », qu’est-ce que ça veut dire pour les élèves ? Aujourd’hui, les appréciations sont rendues plus explicites par les enseignants soit lors de la remise des bulletins, soit lors du conseil participatif, soit en amont lors de la préparation du conseil de classe.

Une piste de travail pourrait être de demander directement aux élèves ce qu’ils entendent et comprennent pour lever les implicites et adapter les conseils à leur réalité. Les adultes ne sont pas omniscients en ce qui concerne le quotidien des élèves. Cela peut être logique de chercher une solution avec eux.

 Ne pas faire de ce lieu un tribunal

Quelle posture les professeurs doivent-ils ? Comment trouver un moyen, notamment dans la gestion des élèves difficiles, d’accompagner à la réalisation sans assommer d’un jugement paralysant ?

Plusieurs éléments de réflexion vont dans le sens d’une co-vigilance entre les collègues pour rappeler les intentions de ces conseils de classe participatifs. Si les intentions sont partagées par tous, la bienveillance mutuelle est un préalable au déroulement du conseil de classe participatif.

 Organisation du conseil

Dans le collège Les Provinces (50) et le lycée Jacques Feyder (93), les conseils sont scindés en deux salles, soit un peu plus d’une dizaine d’élèves par salle. Ils durent entre une heure trente et deux heures, soit dix minutes par élève. Plusieurs problématiques se posent. Au collège, la volonté commune a été de demander à tous les élèves d’être présents : il y a donc un conseil de classe par soir, ce qui peut créer une surcharge pour les enseignants et des conseils de classes étendus sur plusieurs semaines. Pour les collègues qui ont toutes les classes de l’établissement, ce fonctionnement peut être lourd. Au lycée Jacques Feyder, tous les enseignants ne sont pas forcément présents ; l’objectif peut être 3 enseignants pour un élève (soit 6 enseignants sur la classe).

Des pistes logistiques ont été proposées pour raccourcir le tour de table en amont du conseil de classe, et ainsi réaliser un conseil de classe participatif par soir (4ème ou 3ème) suivi d’un (voir deux) conseil de classe « classique » (6ème ou 5ème).

 Rôle des délégués

Quel rôle pour les délégués ? Le soutien des élèves timides ou allophones ? Une part dans la décision ?

La question du rôle des délégués est à discuter : à la fois ces élèves jouent le rôle de représentants d’une classe ; en même temps, ils sont souvent les mêmes d’une année sur l’autre sans réel impact sur la scolarité des élèves. Il a été évoqué le recul qui peut être le leur d’assister à la situation de la moitié de la classe. Au lycée, la parole leur est également plus facile pour prodiguer des conseils à leurs camarades. Leur possibilité d’animer la parole durant le conseil semble avoir fait consensus, mais une réelle interrogation subsiste.

Nous avons aussi évoqué le fait que la représentativité des délégués n’était que d’apparat tant on leur donnait peu la parole (notamment dans les conseils de classe ou les CA). Nous avons donc évoqué l’idée d’un (super) conseil des conseils d’élèves de toutes les classes lors duquel les délégués porteraient authentiquement les projets de leurs classes.

 Gérer le stress et la timidité

Comment aider les élèves à la prise de parole ? Pour certains élèves, ce moment est très pénible, notamment pour ceux qui rencontrent des difficultés scolaires mais sont aussi extrêmement timides.

Nous pouvons alors renverser la question : n’est-ce pas finalement pire de ne rien faire ? Cela permet de former les élèves. Il faut sans doute se concentrer davantage sur le point de départ des élèves que sur un point d’arrivée similaire à tous. Il a été proposé de gérer le conseil de ces élèves en plus petit comité (moins d’adultes, des délégués pour le soutien). Ceci relève d’une adaptation spécifique à l’humain qui ne pourra jamais être exactement la même d’une situation à une autre.

 Formulation, contenu et tenir les engagements

Que faire des engagements de type objectif « Je vais augmenter ma moyenne » « Je vais travailler plus » ?

Il serait plus opportun de parler aux élèves en termes de stratégie : « pour augmenter ma moyenne, je vais réviser mes cours trente minutes tous les soirs ». Pour ces engagements, il est important de rappeler l’importance des « petits pas ». L’engagement de changer de place en classe, s’il est tenu, peut être un premier pas vers un changement d’attitude global de l’élève face à sa scolarité.

La forme de l’engagement questionne : faut-il se satisfaire des appréciations d’élèves écrites à la manière d’un prof ? Sont-elles sincères ?

Nous posons un questionnement commun : ne vaudrait-il pas garder une forme institutionnelle pour le bulletin et privilégier une forme plus authentique avec les élèves ? Le contrat appliqué par le collège, avec signature des parties parents, élèves et enseignants est un formalisme important, qui reste en dehors du cadre institutionnel tout en sacralisant la décision prise.

Certains élèves oublient ou ne respectent pas leurs engagements. Comment faire ?

Le conseil de classe participatif en lui-même, lors de sa réitération, est un moment où les élèves sont face à des engagements tenus ou non tenus. Au collège Les Provinces, il y a une contractualisation de l’engagement entre l’élève, ses tuteurs légaux et ses enseignants, ce qui implique peut-être davantage l’ensemble de la communauté. Il convient également d’impliquer tout au long du trimestre/semestre les élèves et de les rappeler à leur engagement. Cela implique d’en informer l’ensemble de l’équipe enseignante. Pour le respect de l’engagement, une réactivation dans la semaine suivant le conseil de classe peut être opportune pour rappeler les élèves à leurs engagements.



Pour en savoir plus :
 Les conseils de classe participatifs au lycée Feyder
 Les conseils de classe participatifs au collège Les Provinces