"Qui a tué Dona J ?" Lever de rideau au Microlycée du Bourget.
Les élèves du Microlycée du Bourget (93) ont écrit collectivement une pièce de théâtre qui fourmille d’inventivité, inspirée du Dom Juan de Molière qu’ils avaient étudié. Dom Juan y est devenu une femme "Donna J", écrivaine médiatique.
Le chef-d’œuvre publié de 1682 a manifestement inspiré les adolescents d’aujourd’hui qui ont revisité le mythe à la lumière de notre époque. Le 19 mai, des comédiens prêtaient leur voix pour lire Qui a tué Donna J , leur création littéraire dans leur propre établissement, occupant tous les lieux de la "maison", couloirs, hall, escaliers intérieurs et extérieurs, parking même. Au fil des actes, les spectateurs ont suivi les comédiens dans une promenade théâtrale marquant l’arrêt pour telle ou telle saynètes, prenant le temps de l’émotion, cherchant la force de cette comédie par le ton ou de cette tragédie par le fond.
Plusieurs phases ont nourri ce projet qui a pris corps sur plusieurs mois. D’abord l’écriture collective en atelier avec un écrivain, Denis Baronnet dans les locaux mêmes du microlycée. De ce matériau commun - dont la création a enthousiasmé les élèves au plus haut point, l’auteur a établi un découpage par scènes qu’il a demandé à chacun de présenter par de nouveaux textes. L’élan collectif s’est nourri d’un autre souffle avec la mise ne scène, nouvelle phase de l’aventure. C’est lors d’un séjour en résidence à la Source que les lycéens ont abordé la mise en scène des saynètes, sur les conseils d’Aurélie Ledo, metteure en scène. Ils ont ainsi conçu la mise en scène du 5e acte avec elle, exécutant des exercices collectifs, trouvant la juste articulation entre écriture collective et art du spectacle sur ses conseils professionnels.
Le rendu final des travaux a donné lieu à un spectacle, sous la forme d’une belle lecture de l’ensemble par des comédiens, le 19 mai sur les lieux mêmes du lycée, jouant la carte d’une mise en scène à géométrie variable. L’écrivain et la metteure en scène se sont faits comédiens invitant d’autres acteurs à donner vie à la multitude de personnages inventés par les élèves autour de leur Dom Juan féminin, Donna J. Les élèves ont visiblement éprouvé un grand plaisir à découvrir leur texte joué par d’autres.
Les élèves de première L et ES du microlycée ont été accompagnés par leurs professeurs de lettre et l’auteur dramatique Denis Barronet. Au final, leur pièce a été publiée par l’Association Pépinière qui a pour but de réconcilier les enfants et les adolescents avec la lecture et l’écriture.
Le projet a vu le jour grâce aux soutiens conjugués de la Région Île-de-France dans le cadre du programme "Réussite pour tous", et de la Fondation Égalité des chances, dans le cadre d’un séjour au sein de l’Association la Source, à la Guéroulde en janvier 2015.
Qui a tué Donna J ? est aujourd’hui un vrai livre, distribué et vendu par la maison d’édition du Pré du Plain pour une somme modique. Les élèves ont découvert le livre terminé après la représentation de la pièce le 19 mai. Des mots à la publication, la réalisation du projet est restée une aventure collective. Lors de la phase d’écriture en résidence à la Guéroulde dans l’Eure, une élève a réalisé une série de photographies de ces moments privilégiés. Les tirages ont permis une belle exposition du projet sur les murs du microlycée. Elle a révélé le regard authentique tout en sensibilité de cette adolescente sur ses camarades. C’est d’ailleurs l’une de ses photographies qui fut choisie pour la couverture de l’ouvrage.
La pièce commence par la sortie très médiatisée du dernier livre de Donna J dans lequel elle associe ses personnages aux éléments de sa vie privée sans égard pour ses conquêtes : un libraire, deux lycéens, Reda et David, un écrivain, ex de surcroît et son éditeur. Elle y raconte comment elle a séduit le jeune Reda qui prend mal cette mise en lumière de sa vie intime sur la place publique. Les choses se compliquent lorsqu’on apprend le suicide de Reda.
Denis Baronnet écrit dans l’avant-propos que l’orientation de la pièce a changé après la séance du 15 janvier, une semaine après les attentats : Notre pièce parlait de la transgression, de la liberté et de ses limites. Nous étions au cœur du douloureux sujet mais les élèves, ce sujet, à ce moment-là, ils n’avaient pas envie d’en parler, en tout cas, pas de front. Lors de cette séance, un changement subtil s’est opéré dans la balance morale de notre histoire. Jusque-là, dans la tête des élèves, Donna J était seule responsable de la mort de Reda, elle était l’incarnation du mal. Pendant le 15 janvier, est apparue l’idée que, peut-être, la mère de Reda, avec son éducation religieuse stricte, pouvait en partie être responsable de la mort de son fils. Est apparue aussi l’idée que Donna pouvait avoir été vraiment amoureuse du jeune homme et n’être pas seulement un personnage cynique. Nous sortions de la vision manichéenne de notre pièce. Restait à décider de la fin. L’écrivain serait-il puni, ou non ? Et si oui comment ?
Pour les élèves, l’expérience a été enrichissante. Mickaël raconte : « on a appris à écrire à se comprendre les uns les autres. Ce qui m’a paru le plus enrichissant, c’est d’écrire en groupe, de se mettre d’accord avec tout le monde. » Pour un autre qui n’avait pas lu la pièce et regrettait sincèrement de ne pas avoir été plus assidu, l’expérience est aussi considérée comme positive : « J’ai présenté Céleste. Ça m’a appris à parler. »
Beaucoup d’entre eux ont trouvé la mise en voix de la pièce surprenante et impressionnante, le 19 mai.
– « Je l’ai vue autrement. La voir jouée, c’est autre chose. Les expressions, les gestes, l’intonation…J’en ai discuté avec les comédiens. »
– « Ça m’a donné envie de jouer. La prestation des acteurs étaient bien. »
– « J’ai trouvé cela très vivant très attrayant, avec une très belle chute. J’étais fière de voir les comédiens jouer ce qu’on avait donné. On apprend à mieux connaître les autres, plus en profondeur dans le travail d’écriture commune des scènes. Cela montre qu’on peut faire du beau travail en collectivité. Cela fait travailler la cohésion et c’est en plus, un très beau cadeau de fin d’année. »
– « J’ai préféré la mise ne scène. Et les comédiens étaient très bien choisis. Maintenant, j’aimerais jouer le texte, peut-être pour un spectacle de fin d’année… »
Pour l’auteur Denis Baronnet qui se présente comme un "écrivain de théâtre" selon ses mots, l’expérience a été humainement très enrichissante. Même s’il connaissait les lieux et certains élèves pour les avoir accompagnés l’an dernier dans l’écriture de nouvelles, la création collective d’une pièce de théâtre, cette fois, lui est apparue plus difficile à mener. Mais le résultat est toujours aussi « fantastique » car rien n’a changé dans ses rapports avec eux. Échanges, respect, moments de surprise réciproques étaient bien au rendez-vous : « riches et beaux ! »
Applaudissements !
Pour en savoir plus
- Programme Réussite pour tous de la Région Île-de-France
– Fondation Égalité des chances
– Article des Cahiers Pédagogiques, n°496 : « Soutenir les projets des établissements »
– Maison d’édition du Pré du Plain
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