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Journée Académique 2018 : Philippe Meirieu, "le métier d’enseignant, un métier d’ingénieur"

05 / 02 / 2018 | aselle



Peu d’enseignants se conçoivent comme ingénieurs.

Pourtant, quand le terme d’ingénieur apparaît à la Renaissance, il ne désigne pas tant un technicien ou un scientifique qu’un concepteur, un ouvrier libre, réalisateur de son propre travail et de sa propre création.

L’ingénieur de la Renaissance est en effet celui qui élabore une machinerie, c’est-à-dire un dispositif permettant la mise en œuvre d’un projet : jeux d’eaux pour des fêtes princières, mise en scène spectaculaires de théâtre, jardins d’agréments temporaires, machines de guerre. Il est l’homme en coulisse qui invente les outils, expérimente, innove, échoue, corrige, recommence, dresse des plans, décrit des projets sur différents supports, définit, partage et coordonne les travaux à effectuer dans un but d’efficacité, de gain de temps et de ressources.

Sous ces traits, l’enseignant du XXIème siècle peut davantage s’assimiler à l’ingénieur en éducation que nous voulons promouvoir dans une société de l’intelligence.

Être « ingénieur en éducation », c’est être créateur et observateur critique de la réalité de sa création. C’est nécessairement une posture exigeant un ajustement perpétuel des pratiques et des objectifs.

Être « ingénieur en éducation », c’est être l’artisan qui a compris que son travail n’est jamais fini parce qu’aucun dispositif et aucune de ses inventions, aussi brillantes fussent-elles, ne pourront répondre tout de suite aux besoins éducatifs de tous les élèves, partout et tout le temps.
Être ingénieur, c’est s’ingénier à considérer les difficultés comme des défis qui n’ont pas encore trouvé leur solution, c’est s’ingénier à postuler l’éducabilité de chaque élève et ne pas accepter l’échec scolaire comme une fatalité, c’est lutter contre les postures de renoncement désabusées, c’est imaginer de nouvelles solutions et ne pas reculer devant la difficulté de leur mise en œuvre.

Tour à tour artisan, expérimentateur, concepteur de machines de guerre contre l’échec scolaire, l’enseignant-ingénieur ne se conçoit pas dépouillé de sa capacité d’inventivité et d’action. C’est dire si être « ingénieur en éducation » n’est pas qu’une posture détachée d’un contexte social, économique et politique. Se penser comme « ingénieur en éducation », c’est aussi un enjeu de société pour le métier d’enseignant, les élèves et l’école de demain.
Être ingénieur, c’est en effet en dernier ressort être libre vis-à-vis d’une pensée magique qui consisterait à vendre des recettes pédagogiques miracles au prétexte qu’elles sont alternatives où fondées sur des études scientifiques ou statistiques quelconques.
Être « ingénieur en éducation », c’est se montrer comme tel aux élèves dans un rapport d’artisan créatif à apprenti heureux d’apprendre, c’est se montrer libre dans ses choix pédagogiques et non pas simple exécutant suivant le manuel ou le fichier. C’est faire exemple de liberté dans ses démarches et sa réflexion pour créer des citoyens libres et responsables. C’est à ce titre aussi faire profession d’avenir.

« Le métier d’enseignant, un métier d’ingénieur » : des ressources pour préparer la rencontre académique de la CARDIE.

Fait avec Padlet

Journée académique de la CARDIE : 27 février 2018 - Tous droits réservés – CARDIE Académie de Créteil - janvier 2019