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Le conseil de classe autrement au collège Victor Hugo de Cachan : le conseil-entretien

25 / 05 / 2020 | Arnaud Van Praët
Arnaud Van Praët

Double-éclairage, de la part d’une professeure expérimentée et d’une professeure néophyte, sur le conseil de classe autrement au collège Victor Hugo de Cachan : le conseil-entretien.

Présentation de deux professeures impliquées dans le projet

Nous, Émeline et Jeanne, toutes deux professeures au collège Victor Hugo de Cachan (94), vous proposons dans un article à deux voix de vous présenter notre alternative aux conseils de classe.

Émeline : Je suis dans le collège depuis dix ans. J’ai des classes coopératives depuis quatre ans et j’ai participé à la mise en place des conseils entretiens il y a presque trois ans.

Jeanne : Je suis arrivée au collège Victor Hugo cette année, notamment après avoir rencontré Émeline lors d’une formation de la CARDIE sur la coopération. Je m’intéresse à ce sujet depuis plusieurs années, afin de repenser mon enseignement et notamment les conseils de classe autrement. Lors de cette formation, j’avais découvert les conseils coopératifs et les conseils-entretiens… et j’ai tout de suite eu envie de les expérimenter.

Le collège n’a aucun classement particulier. Il est composé d’élèves mixtes aux origines et aux niveaux divers. L’un des objectifs de l’établissement est d’accroître la réussite des élèves et de les aider à gagner en autonomie, mais aussi de travailler en relation étroite avec les familles.

Constat sur le conseil de classe à l’origine du projet

Émeline : Lors de la deuxième année de classe coopérative, en 2017-2018, nous avons souhaité modifier le conseil de classe qui nous paraissait être réduit à une sentence qui ne permet pas à l’élève de se saisir de sa scolarité ni de comprendre ou de décider comment progresser.

Jeanne : De plus, les conseils de classe « à l’ancienne » sont souvent longs, parfois avec peu de collègues présents, et l’implication des représentants d’élèves et de parents n’est pas toujours évidente.

Mise en place du projet

Émeline : Au deuxième trimestre 2017-2018, avec la classe coopérative de cette 3ème, nous avons alors décidé de mettre en place un conseil coopératif. J’ai reçu la totalité de mes élèves, un par un, pour faire le bilan de leur trimestre : leur réussite, ce qu’ils souhaitaient améliorer et l’appréciation de leur bulletin. Le soir du conseil de classe, ils se présentaient, seuls ou à deux ou trois, selon leur préférence, et exposaient ce bilan aux professeurs et à la direction, puis échangeaient avec eux. Bien que ce format ait été pensé pour être positif et malgré une approche bienveillante de tous les adultes, ce conseil de classe participatif s’est révélé très angoissant pour les élèves qui se sont sentis intimidés face au nombre important d’adultes.

Jeanne : Durant les années qui ont précédé mon arrivée à Victor Hugo, j’ai essayé d’impliquer les élèves et d’individualiser leur préparation de conseil de classe en créant des fiches-bilan avec les rubriques du type :

  • Quelles sont mes réussites ?
  • Quelles sont les points que j’aimerais améliorer ? Comment pourrais-je m’y prendre ?

Bien souvent en début d’année les élèves étaient relativement réceptifs mais au fil du temps, cela s’épuisait et cela représentait une trop lourde charge de travail pour le professeur principal seul. Cela se soldait souvent par un abandon de la fiche par certains élèves au fil de l’année… et par une grosse déception de ma part avec le sentiment d’entendre toujours les mêmes remarques en conseil de classe, de laisser les élèves sans outil concret.

Émeline : Il nous a fallu trouver un autre fonctionnement pour atteindre notre objectif, faire de l’élève le maître de sa scolarité et l’en rendre acteur. Avec une partie de l’équipe pédagogique de la classe, nous avons rejoint les équipes de deux autres établissements et deux formateurs de la CARDIE. Pendant deux jours, nous avons réfléchi à un moyen de remplacer le conseil de classe. Nous avons établi le protocole des conseils-entretiens et la fiche qui permet le suivi de l’élève.

Protocole du conseil-entretien :

Jeanne : De mon côté, cela a été très agréable de bénéficier du protocole « clef en main ». J’ai eu besoin d’un petit temps d’adaptation pour m’approprier la fiche et pouvoir l’expliquer et la commenter aux élèves. J’ai trouvé cette dernière très bien pensée et lisible car schématique et synthétique. La seule difficulté que j’ai rencontrée est la question du format du fichier texte, en « .doc », qui n’était parfois modifié lorsque les collègues tuteurs complétaient la fiche. La conséquence était le décalage de la mise en page. Cela impliquait, en tant que professeur principal, de reprendre de nombreuses fiches, ce qui m’a pris beaucoup de temps. Je me suis tout de suite dit qu’il faudrait réfléchir à la question du format du document (information complémentaire : il est possible de créer des PDF modifiables, pour lesquels on peut écrire mais sans changer la mise en page) qui s’avère ne pas être un détail, loin de là.

Préparation des conseils-entretiens

Émeline : Nous avons choisi de préparer les conseils-entretiens en vie de classe. Le professeur principal fait réfléchir les élèves sur leur trimestre : ce qu’ils ont réussi, ce qu’ils souhaitent améliorer, les engagements qu’ils souhaitent prendre pour progresser. La façon de faire est laissée à l’appréciation du professeur principal. J’ai choisi de faire réfléchir les élèves sur leur parcours bien en amont. Nous avons par exemple construit nos arbres de vie : les racines représentent d’où nous venons, le tronc ce que nous sommes et ce que nous aimons, les branches nos objectifs à plus ou moins long terme. Nous faisons régulièrement de la métaréflexion pour réguler le fonctionnement de la classe, en conseil coopératif ou en atelier. Puis, environ deux semaines avant les conseils-entretiens, je réunis les élèves en vie de classe pour qu’ils puissent préparer leur conseil-entretien. J’ai préparé une fiche sur laquelle ils notent :

  • Leurs réussites du trimestre : qu’elles touchent aux savoirs, capacités ou attitudes ;
  • Les points qu’ils souhaitent améliorer ;
  • Leurs ressources : ce qu’ils savent déjà faire (exemples : l’esprit d’équipe s’ils font un sport collectif, la concentration s’ils aiment dessiner sur une longue période, etc.), mais aussi les personnes à qui ils peuvent faire appel dans et en dehors du collège ;
  • Leurs besoins : du calme pour travailler, de l’aide dans une matière, savoir comment utiliser la leçon pour répondre aux questions de l’évaluation…
  • Leurs engagements : entre un et trois, précis, accessibles et évaluables par l’élève et, surtout, choisi(s) par lui et non par le professeur ;
  • L’appréciation de leur bulletin : s’ils évaluaient leur propre trimestre, que dirait-il de l’élève X.

Jeanne : De mon côté, j’ai eu plus de mal à utiliser l’heure de vie de classe pour la préparation de ces conseils-entretiens en raison de sa place mal choisie dans l’emploi du temps de ma classe. J’ai donc utilisé une heure de français lorsque c’était nécessaire. Cela m’a fait prendre conscience de l’importance de réfléchir à la place de l’heure de vie de classe dans l’emploi du temps des élèves en classe coopérative, encore plus que dans une autre classe, et de l’importance de commencer très tôt dans le trimestre la préparation des conseils-entretiens afin de leur laisser un vrai temps de réflexion, une possibilité d’échanger entre eux ou avec leur professeur tuteur. Il a bien fallu une heure pour mes élèves puissent bien comprendre le fonctionnement du conseil-entretien et les différentes étapes préparatoires.
J’ai, moi aussi, préparé une fiche pour guider les élèves dans leur préparation, en demandant son éclairage à Émeline. J‘ai bien insisté auprès des élèves sur le fait que c’était un outil de travail et de réflexion sur eux-mêmes. En effet, certains se bloquent, pensent qu’il y a une bonne ou une mauvaise réponse, et voient, à tort, cette fiche comme une évaluation sommative pour le professeur. Afin de l’éviter, j’y formule donc mes remarques sous la forme de questions :

  • Quelles sont tes réussites ? Quand es-tu en réussite ?
  • Quelles sont tes qualités de manière générale (pas seulement dans le domaine scolaire) ?
  • Qu’est-ce qui t’a rendu fier.e de toi ce trimestre ?
  • Que voudrais-tu améliorer ? Comment pourrais-tu t’y prendre ?
  • Quels engagements pourrais-tu prendre pour la suite ? 3 au maximum. (Remarques : Ton/Tes engagement.s doivent être simple.s et réalisable.s)
  • À ce stade-là de l’année, quelle appréciation te mettrais-tu ?

Émeline : Les élèves ont beaucoup de mal à déterminer leurs réussites, soit parce qu’ils n’ont pas l’habitude de voir le positif en eux, soit parce qu’ils ont peur d’être orgueilleux en le formulant. Plus les élèves sont nouveaux dans ce processus de métaréflexion et plus ils sont jeunes, plus le temps nécessaire à l’aboutissement de celle-ci est long. Arriver à identifier ses besoins n’est déjà pas une évidence pour un adulte, cela l’est encore moins pour un collégien. J’ai expérimenté l’heure de vie de classe seule avec les vingt-neuf élèves et je n’ai pas eu le temps de m’asseoir avec chacun d’entre eux. Deux mises en place fonctionnent bien pour moi : si je suis seule, je fais des vies de classe en demi-groupe ; dès que possible, je co-anime ces préparations aux conseils-entretiens, avec des collègues, l’AED référente, l’assistante sociale ou même d’anciens élèves ! Cela permet aussi à la classe d’entendre d’autres points de vue, de connaître d’autres manières de faire et cela fait émerger plus d’idées.

Jeanne : Je rejoins Émeline sur le fait que les élèves ont, au début, du mal à déterminer et à formuler leurs réussites, les associant trop souvent aux notes et aux moyennes : par exemple, ils oublient les progrès accomplis. Là encore, Émeline le dit très bien : le processus de métaréflexion s’acquiert progressivement avec le temps et en invitant les élèves à le faire souvent, dans des contextes variés. Par exemple, à la fin d’une séance de cours ou lors d’une activité qui sort un peu de l’ordinaire, comme lors d’une sortie ou lors d’un travail de groupe. Dans l’idéal, j’aimerais que cela devienne une habitude, un automatisme pour les élèves de cibler leurs réussites à la fin de chaque heure de cours et à la fin de chaque journée.
Ce qui a beaucoup aidé les élèves et moi-même dans ce processus, c’est lorsque je n’étais pas la seule adulte lors de ces heures de vie de classe. Une fois, la psychologue du collège a pu participer à cette heure et c’était très positif car la relation des élèves est différente avec elle. Une autre fois, l’AED référente de la classe y a aussi participé. La co-animation apporte une diversité des points de vue et des postures des adultes qui m’a semblé très bénéfique pour aider les élèves à explorer tous les aspects de leurs réussites.

Émeline : Je reporte ensuite ce qu’on écrit les élèves sur la fiche d’entretien-conseil, que nous avons pensée pour une lecture circulaire :

  • La case en haut à gauche accueille les réussites et points à améliorer ;
  • La case en haut à droite reçoit les engagements ;
  • La case en bas à droite contient les conseils concrets du professeur, proposés en entretien-conseil grâce à l’échange avec l’élève : pas de « arrête de bavarder », « concentre-toi plus » mais plutôt des conseils adaptés et individualisés tels que « pendant dix minutes, je m’enferme dans la chambre/la salle de bain sans téléphone et j’apprends mes leçons » ;
  • La case en bas à gauche propose plusieurs moyens de suivi pour le trimestre à venir, les plus à propos sont choisis pendant le conseil-entretien.

J’envoie les fiches à chaque tuteur. Les tuteurs sont choisis en amont. J’ai demandé aux élèves de noter trois noms de professeurs qu’ils aimeraient avoir comme tuteur et le nom d’un professeur qu’ils ne veulent pas avoir. Ils sont assurés de ne pas avoir le professeur avec qui ils ne se sentent pas à l’aise et j’essaie de leur donner l’un des tuteurs qu’ils souhaitent. J’ai également sollicité les collègues pour qu’ils me donnent le nom de trois élèves qu’ils aimeraient suivre. J’ai croisé les souhaits pour obtenir des binômes qui plaisent à chacun. Le professeur principal, moi en l’occurrence, a plus de tutorés : j’en ai huit sur une classe de vingt-huit. Les professeurs ayant une seule classe coopérative en ont trois, les autres deux. Les collègues les plus réticents en ont un seul. Les tuteurs contactent les familles pour fixer un rendez-vous personnalisé en fin de trimestre.

Fiche du conseil-entretien :

Jeanne : Pour ma part, j’ai, comme Émeline, pré-complété les fiches conseil-entretien en fonction de ce que les élèves m’avaient dit. Ensuite, j’ai transmis les fiches aux tuteurs avec le protocole très explicite créé par l’équipe. Je n’ai pas demandé aux élèves de me donner trois noms de professeurs qu’ils aimeraient avoir comme tuteur et inversement pour les collègues. J’ai préféré faire une répartition aléatoire en me gardant, en tant que professeur principal, un plus grand nombre de tutorés (sept), notamment les plus réfractaires au système scolaire et aux cours. J’ai fait comme Émeline pour le nombre d’élèves tutorés par les professeurs ayant plusieurs classes coopératives ainsi que pour les plus réticents. Les tuteurs doivent prendre contact avec les familles pour fixer un rendez-vous personnalisé en fin de trimestre, lors des semaines des remises des bulletins. Pour les quelques collègues tuteurs qui n’ont pas joué le jeu, j’ai pris le relais. L’appel aux familles est aussi un des éléments très positifs car cela participe à créer un lien, un échange, de la confiance.

Déroulement des conseils-entretiens

Émeline : Les conseils-entretiens ont lieu durant la période qui s’étend des conseils de classe à la remise des bulletins, soit trois semaines. Afin de clarifier leur déroulement, le protocole a été écrit lors la formation. Le placement de chacun est important. L’année de la création des conseils-entretiens, les élèves de ma 3ème coopérative ont signalé avoir très peur du regard de leurs parents. L’assise se fait donc en triangle, le parent et l’élève sont assis de façon à ne pas être face à face. L’élève doit pouvoir se concentrer facilement et uniquement sur le regard du professeur. La focale est sur l’élève. Ainsi, il est précisé dès le début de l’entretien que, dans un premier temps, l’élève fera son bilan (3 à 5 minutes) sans être interrompu(e). Cela sera suivi d’un échange avec le professeur pour affiner et développer les réponses (5 à 10 minutes). Enfin, les parents peuvent intervenir (au maximum 3 minutes). Un récapitulatif des engagements est fait (3 minutes) et le conseil-entretien se conclut. Nous conseillons aux collègues d’avoir un ordinateur avec eux pour inscrire les réflexions et les engagements au fur et à mesure, s’évitant ainsi un travail d’écriture après les conseils-entretiens. Une fois le conseil-entretien terminé, le tuteur envoie la fiche au professeur principal qui la vérifie et signale les éventuels oublis. Là apparaît une étape chronophage : le non-respect du mode d’emploi de la fiche. Malgré une réunion préalable, un modèle envoyé, des éléments manquent ou sont modifiés, et la mise en page est alors totalement déformée. Cela prend beaucoup de temps au professeur principal de tout reprendre (information complémentaire : il est possible de créer des PDF modifiables, pour lesquels on peut écrire mais sans changer la mise en page). Les parents reçoivent ensuite le bulletin de l’élève, la fiche et un bilan général de la classe (le professeur principal aura recueilli en amont les retours de l’équipe).

Jeanne : J’ai suivi très scrupuleusement ce protocole, percevant très rapidement son importance. Certains parents ont tendance à mobiliser la parole ou à couper leur enfant, donc le rappel du déroulement, dès le départ, et de la répartition du temps de parole sont des outils précieux. Très vite les parents s’y plient et apprécient de pouvoir écouter, regarder leur enfant et prendre un vrai temps pour lui et sa scolarité.

Émeline : Toutes les fiches sont envoyées aux professeurs de la classe, à la direction, à la CPE et au pôle médico-social dans une conversation commune (sur l’ENT). Les collègues ne lisant pas forcément l’ensemble des fiches, je fais un tableau récapitulatif avec le nom du tuteur et les engagements de chaque trimestre. Pour un suivi précis, je laisse également les engagements et le nom du tuteur de 6ème sur la fiche.
Durant le trimestre qui suit, le tuteur et son élève établissent le mode de suivi qui leur convient : discussion à horaire fixe ou quand le besoin s’en fait sentir, tableau pour noter des éléments (comme le nombre de participations, par exemple), etc.

Bilan des conseils-entretiens

Témoignage d’Hanna, en 5ème co, qui pratique les conseils-entretiens depuis la 6ème :

Dès la première année, durant laquelle les conseils-entretiens ont eu lieu uniquement au troisième trimestre, nous en avons constaté les effets positifs. Durant cette première année, les 3èmes fonctionnant en classe coopérative ont « testé » le conseil de classe classique, le conseil coopératif puis les conseils-entretiens. Les retours des élèves ont été très positifs et probablement d’autant plus positifs qu’ils ont pu vivre, dans la même année, trois formes de bilan trimestriel. Ils ont apprécié de pouvoir choisir seuls quoi faire, de prendre le temps de réfléchir sur leur scolarité et d’avoir un temps suffisamment long pour en parler avec le tuteur et le(s) parent(s) plutôt que les cinq minutes de remise de bulletin, durant lesquelles ils n’avaient que peu le temps de s’exprimer.
Cette année, ma classe coopérative est en 5ème et cela fait deux ans qu’elle bénéficie des entretiens-conseils. Ils avaient entre dix et onze ans en 6ème et ce travail de métaréflexion n’était pas dans leurs habitudes. Cela leur a paru difficile. C’est pourquoi la coanimation a été particulièrement utile au début car nous étions ainsi plusieurs à pouvoir les aider, avec différents points de vue. Mettre en place les conseils-entretiens dès la 6ème a permis aux élèves de changer de paradigme en même temps que d’établissement. Les difficultés pour les élèves s’estompent avec le temps :

  • Parvenir à indiquer ou oser formuler ses réussites ;
  • Réussir à connaître ses besoins ;
  • Pouvoir établir un engagement qui soit concret et accessible (transformer le « je bavarde moins » en « je suis repris(e) au maximum deux fois par heure pour le bavardage ») ;
  • Arriver à faire un bilan objectif sur son trimestre et donc faire face à ses erreurs ou ses difficultés.

Des difficultés se sont posées pour tous les élèves. On pourrait penser que les élèves en réussite détermineraient ces éléments plus rapidement mais ils ont tout autant de problèmes (exemple : ils choisissent souvent « avoir 16 de moyenne » comme engagement initial). Pour la plupart des élèves, la difficulté à faire face aux éléments à améliorer laisse place au plaisir de choisir eux-mêmes leur engagement et de réussir à l’atteindre. Évidemment, le conseil-entretien n’est pas une formule magique : certains élèves ont toujours besoin d’un accompagnement plus important, plus dirigé, pour pouvoir prendre du recul et réfléchir sur eux-mêmes (parce que c’est douloureux ? parce que ce n’est pas un chemin habituel ?).
Suivre la même classe depuis deux ans permet également de mieux connaître les élèves et de savoir plus facilement et rapidement quel fil tirer afin de faciliter la métaréflexion. D’autre part, cela leur laisse un temps différent de celui souvent imposé par l’école. Certains d’entre eux ont fait des progrès très importants. D’autres avancent à petits pas. Ce suivi sur plusieurs années permet d’accompagner leur progression, quelle qu’en soit la vitesse. Enfin, les élèves acquièrent suffisamment de confiance et d’habitude pour proposer des améliorations.
Ainsi, ce qui ressort de ces deux années est le besoin de temps. La classe trouve la durée d’un trimestre trop courte pour « se rattraper », pour progresser.

Jeanne : Je n’ai pas autant de recul qu’Émeline sur cette pratique et je verrai mieux l’année prochaine si les procédures mises en place cette année ont porté leur fruit l’année prochaine, en étant à nouveau professeure principale des mêmes élèves en 4ème.
Les retours des élèves sont variés et dépendent beaucoup du point de vue des parents, d’après mes premières observations. Certains semblent conquis et apprécient vraiment d’être tutorés, de pouvoir affiner leurs engagements, de réfléchir avec nous à des solutions simples et concrètes pour faire évoluer leur attitude dans et hors de la classe, en sortant des formules toutes faites très souvent inscrites sur les bulletins et qui n’ont pas réellement de sens pour eux. D’autres, à ma grande surprise, qui sont dans la compétition et beaucoup plus « scolaires », sont plus réticents car ils se sentent moins rassurés par ce changement de fonctionnement. Paradoxalement, ils se sentent plus à l’aise avec la sentence du conseil de classe « classique » à laquelle ils étaient habitués. Un temps d’acclimatation, nécessaire pour que ces nouvelles pratiques deviennent des habitudes, est donc nécessaire et à prévoir.
Un autre point à remarquer est qu’ils ne vivent pas forcément très bien, d’après ce que j’ai pu percevoir et comprendre, le fait d’être une classe coopérative parmi d’autres classes qui ne le sont pas, d’où la plus-value apportée si l’ensemble de l’établissement aborde le conseil de classe autrement.

Émeline : En effet, comme pour les classes coopératives, les élèves très scolaires sont effrayé(e)s par cette soudaine liberté et par la demande de réfléchir seul(e)s alors qu’ils rentraient dans le modèle attendu. Cette réticence me semble montrer la nécessité pour eux aussi de se saisir autrement de leur scolarité.
Les entretiens-conseils permettent aussi de créer un lien avec les parents qui soit paisible et profitable. Dans les classes coopératives, qui ont des conseils-entretiens, les relations sont plus cordiales et nous travaillons davantage en lien étroit.

Conclusion sur les conseils-entretiens

Contrairement aux autres classes, il n’y a beaucoup moins de conflits entre les professeurs, les élèves et les parents : le climat scolaire est plus apaisé. Les parents se préoccupent de la scolarité de leur enfant tout en soutenant les enseignants. Encore une fois, les conseils-entretiens ne sont pas magiques mais ils nous ont permis d’établir une relation de coéducation propice à l’enseignement et donc profitable aux élèves.

CARDIE Créteil - Tous droits réservés - Mai 2020