GT Les pédagogies coopératives 2021 - 2022
Nous partageons ici notre réflexion collective dans laquelle s’enracine la démarche par tâtonnement que nous souhaitons mettre en partage.
“ L’INTERDÉPENDANCE : OBJECTIF ET MOYEN D’APPRENTISSAGE ? ”
Constats partagés : quelques échanges sur nos pratiques
Pour définir collectivement un objet d’étude pour cette année, nous avons commencé par échanger autour de nos pratiques. Ces échanges ont déclenché deux interrogations.
**La coopération en classe améliore-t-elle le climat scolaire ?
Nous sommes plusieurs à avoir évoqué l’amélioration du climat scolaire par les pratiques coopératives, mais certains se sont demandé si c’était vraiment le cas. En effet, certains collègues remarquent plus de conflits dans les classes où les pédagogies coopératives sont mises en place, ce qui ne semble pas correspondre à une amélioration du climat scolaire. En plus des conflits, il y a aussi des cas de mal-être détectés chez des élèves qui expriment le fait de ne pas être intégrés ou de ne pas trouver facilement leur place dans des groupes. Nous nous sommes remis en question, peut-être présentons-nous trop souvent le groupe et le fonctionnement collectif comme un idéal à atteindre et qui conviendrait à tout le monde. En échangeant sur nos observations en classe et en les comparant, nous nous sommes dit que dans les classes où les pédagogies coopératives sont la règle, il n’y a pas forcément plus de conflits ou de mal-être mais les élèves ont des moments pour les formuler et les partager comme le conseil d’élève ou tout simplement la confiance entre pairs.
Nous nous sommes demandé si justement ces conflits ne pourraient pas être des matériaux d’apprentissages à travailler dans des instances et des dispositifs comme les conseils d’élèves, voire des quoi de neuf. Concernant les conseils d’élèves, nous sommes plusieurs à témoigner du fait que les élèves s’en saisissent pour expérimenter des conflits ouverts avec certains de leurs camarades. Ce n’est parfois pas simple à gérer, une idée est de confier la responsabilité de la gestion non pas aux individus concernés mais à l’ensemble du collectif, passer du “qu’est-ce que tu peux faire pour changer” au “qu’est-ce que nous pouvons faire pour t’aider”. Ce glissement permet de décentrer du cas de l’élève concerné et de changer de regard. Les messages clairs peuvent aussi être un outil mobilisable pour gérer les conflits de manière constructive, les collègues professeurs des écoles nous ont dit avoir souvent recours à cette pratique peu utilisée dans le secondaire.
Une autre condition semble nécessaire au regard de nos partages d’expériences : la cohérence dans l’équipe pédagogique et sa réactivité à la communication en interne (échanges réguliers entre enseignants, réunion d’équipe, …).
S’il y a plus d’interactions négatives, il y a aussi beaucoup plus d’interactions profitables pour la mise au travail, l’estime de soi et la valorisation, ce qui peut contribuer au bien-être en classe.
**Doit-on tous coopérer ?
Le collectif ne s’impose pas, il se propose. “Inciter sans forcer”.
Nous partageons tous la vigilance de ne pas faire de la coopération entre pairs un autre cadre rigide auquel devraient se conformer les élèves. Nos échanges communs révèlent que nous envisageons la coopération comme un outil que les élèves peuvent saisir quand ils en ressentent le besoin, sans injonction ou obligation. Par exemple, en fonction des activités, les élèves sont parfois libres de choisir de travailler individuellement sans parler ou en coopérant avec des pairs. Dans ce cas, ils sont autorisés à parler. Certains d’entre nous détectent assez vite les élèves qui refusent systématiquement de travailler en groupe. Sans les forcer, on leur laisse la possibilité de coopérer avec les autres. Au début, ils travaillaient dans leur coin et nous avons observé que beaucoup finissent par demander de l’aide ou des conseils ici et là.
Nous avons aussi émis l’hypothèse que c’est finalement bon signe que ça ne convienne pas à tout le monde. Il y a sans doute là l’expression d’une diversité d’approche et d’attitude. Que tous les élèves ne s’impliquent pas n’est pas signe de dysfonctionnement (ex : un élève qui lit seul dans le couloir n’est pas forcément signe d’un problème) et ne suggère pas l’absence de compétences psycho-sociales ou d’individualisme.
On a aussi échangé autour du projet de Thomas sur la fabrication d’objets en équipe en cours de technologie, la réflexion actuelle de Romain sur la distinction entre plan de travail et feuille de route et le tutorat entre élèves expérimentés au niveau de la vie scolaire par Agathe, notamment avec deux élèves l’année dernière.
Un objet d’étude à explorer cette année : “ L’interdépendance : objectif et moyen d’apprentissage ? ”
Deux pratiques seront expérimentées et analysées cette année autour de cet objet d’étude :
- Le marché de connaissances
- La classe puzzle
**LE MARCHE DE CONNAISSANCE
“Personne ne sait tout mais tout le monde sait quelque chose.”
Des intentions à clarifier
Nous nous sommes d’abord demandé quels étaient nos objectifs dans la mise en place de ces marchés de connaissances.
Du point de vue des élèves, nous pensons que ce dispositif peut contribuer à :
- renforcer l’estime de soi (valoriser ses propres compétences).
- prendre en compte les singularités pour construire le collectif : l’objectif n’est pas que de présenter mais de transmettre.
- travailler les compétences et l’engagement oral car approche entre pairs.
- envisager l’altérité comme une richesse utile à toutes et tous, être curieux de l’autre.
- en se connaissant mieux, se respecter.
- valoriser un investissement dans les disciplines.
- redonner une place légitime aux élèves décrocheurs.
Côté professeur, on pense que ce dispositif peut servir à :
- avoir une nouvelle vision et une autre approche des élèves.
- mieux connaître les élèves.
- changer sa posture en se détachant un peu des attentes didactiques, rapport aux élèves.
De manière générale, le but n’est pas que tout le monde soit copain mais que tout le monde soit curieux de l’autre, base de la tolérance souvent espérée.
“On sera jamais copain mais désormais je sais qu’il aime le jonglage et qu’il sait bien le faire.”
Les grandes lignes de la mise en œuvre
Globalement, il s’agira pour les élèves de trouver une compétence qu’ils maîtrisent pour la présenter, en cherchant à la transmettre aux autres.
Plusieurs déclinaisons peuvent être envisagées :
- Un élève présente son stand devant tout le reste de la classe.
- Sur une séance : 5 élèves présentent à 5 groupes avec des élèves volontaires et qui ont choisi ces stands par le biais d’affichages préalablement élaborés.
- Sur une séance tous les élèves présentent sur des stands rotatifs.
Plusieurs questionnements se sont posés dans la réflexion de la mise en œuvre :
– Que présenter ?
Des “savoirs” ou des “savoir-faire" en lien avec les apprentissages disciplinaires ou les intérêts individuels,...
– Comment en faire un dispositif d’apprentissage ?
Quelles répétitions dans l’année ? Quelle durée ? Comment analyser ce qui a marché et ce qui n’a pas marché à l’oral pour élaborer des critères collectifs de réussite ? Comment mobiliser le collectif critique pour s’améliorer en tant que vendeur ?
Quelques limites du dispositif, ou points de vigilance ont été anticipées.
– Il n’y aura pas forcément une diversité d’activités car les élèves peuvent avoir tendance à présenter les mêmes compétences.
– Certains élèves n’auront pas d’idées de connaissances à présenter. Dès lors, deux possibilités s’envisagent :
- mettre en commun les idées des camarades progressivement au tableau pour inspirer et décomplexer les autres.
- la participation sera dans la consultation des autres mais pas d’obligation à présenter.
– S’assurer de construire un cadre rassurant et sécurisé où chacun se sente utile et respecté, sans jugement.
– Certains élèves pourront être frustrés de ne pas avoir pu assister à un ou plusieurs stands. Soit parce qu’ils étaient eux-mêmes vendeurs au moment de la tenue du stand auquel ils désiraient participer, soit parce que le stand est limité en nombre d’acheteurs et que sa forte attractivité ne permet pas de satisfaire tout le monde.
– Certains élèves seront à contrario frustrés de voir peu de monde, voire personne intéressé par leur stand.
– Les élèves pourront être accompagnés par un adulte (enseignant, ATSEM, parent ou autre).
Et après le marché, on en fait quoi ?
– diffuser pour valoriser (blog, journal, affiches, exposition auprès des parents, d’autres classes)
– le marché qui a eu lieu entre pairs pour rassurer peut ensuite être exporté vers des publics inter-niveaux (école maternelle / élémentaire / lycée /collège) puis avec des publics différents “club senior”
– répétition du marché pour en faire un lieu d’apprentissage et donc de réitération pour s’améliorer.
– utiliser le marché pour travailler les compétences orales.
– aider les élèves à trouver et à se construire des nouveaux centres d’intérêts.
– avoir une trace de sa participation personnelle. Cela peut prendre la forme d´un mini diplôme décerné à l’acheteur par le vendeur validant sa maîtrise complète ou partielle de la connaissance transmise.
– avoir une trace collective des connaissances transmises ou transmissibles par le groupe (exemple : arbre de connaissances).
– ouvrir le marché sur la vie de tous les jours, il ne sera pas forcément nécessaire d’attendre le prochain marché pour aller vers l’autre et lui demander de l’instruire.
**LA CLASSE PUZZLE
Nous avons très rapidement évoqué la classe puzzle, que certains d’entre nous souhaitent explorer.
Les objectifs :
– créer de la coopération par la nécessité de l’information que l’autre peut nous apporter
– créer de l’engagement scolaire par l’importance de bien avoir compris la notion, afin d’être ensuite capable de la transmettre aux camarades
– augmenter le niveau de connaissance d’une notion par le nécessaire recul que demande la capacité à expliquer à ses camarades
– ludifier et diversifier aussi la forme pédagogique proposée pour favoriser la mise en activité
Le constat initial qui a été fait par ceux qui ont déjà testé le dispositif est que ce dispositif permet un réel engagement des élèves sur les tâches sur lesquelles ils doivent devenir experts, et un vrai travail coopératif. En revanche, l’étape pendant laquelle les experts transmettent la notion à leur camarade est souvent assez en deçà des attentes espérées. En effet, on peut s’apercevoir que certains experts n’ont en fait pas suffisamment de connaissances pour bien assimiler la notion et transmettent donc des choses erronées ou incomplètes.
Différentes modalités de mise en œuvre de la classe puzzle ont été évoquées : L’utilisation sur un séance unique où l’utilisation sur plusieurs séances d’affilées. Nous avons également évoqué la possible nécessité d’évaluations formatives à la fin de chaque séance afin que les élèves puissent évaluer leur niveau d’acquisition des notions.
Nous allons nous retrouver en décembre pour préparer des mises en œuvre pédagogiques à tester en classe.
Vous pouvez trouver les travaux du GT dans cet article.
Document réalisé à partir des échanges entre les membres du groupe de travail de la CARDIE sur les pédagogies coopératives : Raoul de Castro, Leila Dardour, Fanny Durand-Raucher, Agathe Detoisien, Nicolas Pontvianne , Romain Thivet, Thomas, Goudalier, Marion Rémi, Emmanuelle Colas-Micheli et Laurent Reynaud.
La CARDIE de Créteil