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"Expliciter", le fil rouge des référentiels et des programmes actuels

05 / 10 / 2016 | Marianne Durand-Lacaze

A travers plusieurs ressources et liens internet, la CARDIE de Créteil vous propose un point sur une pratique pédagogique qui irrigue les textes officiels actuels : les apprentissages explicites. Qu’en est-il exactement ?

La revue Dialogue du Groupe français d’Education Nouvelle, dans son numéro 160 s’interroge : "Expliciter pour faire comprendre ?"

Mini focus au fil des pages sur cette thématique

Le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de cultures rappelle que les méthodes et les outils pour apprendre doivent faire l’objet d’un apprentissage explicite en situation dans tous les enseignements au programme. L’Education prioritaire y est particulièrement attachée car on y voit là un moyen de réduire les inégalités scolaires. Le souhait est d’aboutir à une explicitation systématique des objectifs de travail donné aux élèves à tous les niveaux de la scolarité.

Des travaux récents en sciences de l’éducation permettent de prendre du recul sur les pédagogies qui ne se focalisent que sur l’activité des élèves. Pourquoi est-elle jugée nécessaire ? A quels moments expliciter ? Qui explicite ?

Dans les années 1970, les pédagogies nouvelles ont été jugées "élitistes" au sens où elles elles réclamaient aux élèves de milieux populaires un effort de décodage plus grand que celui des règles scolaires traditionnelles habituelles. Où mettre le curseur entre cours magistral, activités et pratique autonome de l’élève.

Jacques Bernardin dans un article "Un enseignement plus qu’explicite..." de la revue Dialogue du GFEN, n° 160 (avril 2016) cite B. Bernstein, Classe et pédagogies : visibles et invisibles (1975) et J.Piaget avec La prise de conscience comme précurseurs de ces interrogations nouvelles. Ph. Perrenoud en 1985 posait la question : Les pédagogies nouvelles sont-elles élitaires ? . Mais c’est R.Normand qui touche le coeur du problème en défendant l’idée que " les connaissances de base sont plus faciles à évaluer que certains problèmes essentiels comme la résolution de problèmes, la catégorisation et la manipulation d’opérations symboliques. Qu’est-ce qui est efficace ? Evaluer les connaissances de base et avancer de manière guidée ne permet pas d’accéder au niveau expert attendu des textes officiels. Faire en sorte que les élèves puissent traiter des situations inédites en mobilisant des acquis est l’objectif mais ne s’improvise pas. Les rapports de l’Inspection Générale de 2006, 2008, 2013, le séminaire DGESCO du 26 septembre 2014, et les travaux de recherche du réseau RESEIDA sur La socialisation, l’Enseignement et les différenciations dans les apprentissages et ceux de l’équipe ECOL (Education Scolarisation) de Paris 8, le livre de J-Y Rochex et J. Crinon sur Les inégalité scolaires. Au coeur des pratiques et de dispositifs d’enseignement, ont interrogé la nature des difficultés rencontrées par les élèves.

Il nous est devenu indispensable d’identifier les malentendus cognitifs, définis comme ce que les élèves croient savoir et pensent qu’ils doivent faire ou mettre en oeuvre pour réussir leur travail. Sources d’inégalités et de discrimination scolaires, ils sont source d’incompréhension, empêchent les élèves d’accéder au sens de leurs apprentissages, les maintenant dans une activité de décodage des apprentissages fondamentaux.
Apprendre à comprendre : là réside l’art du pédagogue.
Le malentendus sont nombreux dans l’acte de lecture pendant lequel l’élève est généralement seul face au texte. Il faut bien des échanges autour de la lecture pour en dépasser le décodage et en voir l’histoire. Jean Bernardin précise "Derrière les histoires d’animaux, il s’agit bien d’autre chose. Lire, c’est aller au-delà de l’écran pour entrevoir la profondeur de la scène." Exercer les élèves à la compréhension fine obéit à des stratégies pédagogiques : faire comprendre … avant d’oraliser, récapituler un paragraphe, résumer un texte, exprimer son point de vue. L’évaluation en prenant en compte cette dimension relative à la compréhension aide les élèves à comprendre ce qu’ils apprennent et comment et à réduire les inégalités scolaires.

Dans la même revue du GFEN, Odette Bassis parle de démarche d’auto-socio-construction du savoir. Elle propose d’enlever les questions pour que les élèves s’en posent. Il s’agit là d’un parti-pris systématique afin d’augmenter l’implication des élèves dans leur questionnement par rapport à leurs apprentissages. Elle fait remarquer à juste titre que les questions sont omni présentes dans toutes les disciplines.
Patrick Raymond, professeur d’histoire et de géographie précise qu’expliciter c’est pour l’enseignant, redevenir un élève. Plusieurs articles mettent l’accent sur l’argumentation, comme une pratique langagière pour que les les élèves mobilisent des compétences, des connaissances, des cultures afin de réaliser un travail intellectuel, comme un engagement de soi."

Mettre carte sur table, lever le dessous des cartes, être dans la bienveillance et poser un cadre qui sécurise les élèves pour qu’ils puissent oser poser des questions, se lancer dans des raisonnements, argumenter, expliquer leur choix et les défendre sont autant de paramètres à activer pour une levée explicite des implicites.

L’idéal pour Patrick Raymond étant de parvenir à passer de l’explication a priori et systématique du professeur, des étapes du travail, à une explication a posteriori, par les élèves du noyau conceptuel travaillé.

Les travaux de recherche en pédagogie montrent une divergence de points de vue entre ceux qui pensent que l’homme se construit, et d’abord à l’école (théories constructivistes), et ceux qui pensent que l’école éduque (théories pratiques de pédagogie). Le GFEN propose de ne pas voir dans le constructivisme un mode d’enseignement mais "une loi" de l’apprentissage humain.
A vous de vous faire une opinion dans ce numéro de la revue Dialogues n° 160 du Groupe français d’Education Nouvelles.

Pour en savoir plus

Nous vous invitons à consulter les ressources ci-dessous :

 un padlet sur "Enseigner explicitement" : des ressources à destination des enseignants en éducation prioritaire.

 L’analyse de l’article "Ces malentendus qui font la différence d’Élisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, Equipe ESCOL, Université de Paris VIII in Jean-Pierre Terrail (dir.), La scolarisation de la France, critique de l’état des lieux, paris la Dispute, 1997, P.105-122 par Grégory Quiqempois, extrait de son mémoire de CAFFA (juin 2016), Questionner l’acte d’évaluer : un levier efficient du changement de posture professionnelle des enseignants.

 

 L’analyse de l’article "Scénarisation des dispositifs pédagogiques et inégalités de représentations", de Stéphane Bonnery in Revue française de pédagogie, en ligne, 167, avril juin 2009, extrait du mémoire de CAFFA de Marianne Lesou intitulé Identifier les processus à l’œuvre dans la production des inégalités d’apprentissage des élèves d’éducation prioritaire, préalable indispensable à la mise en œuvre d’un enseignement explicite pertinent.

 

 L’analyse de l’article de Bautier E., Goigoux R. "Difficultés d’apprentissage, processus de secondarisation et pratiques enseignantes : une hypothèse relationnelle", in Revue française de pédagogie, volume 148, 2004. pp. 89-100, extrait du mémoire de CAFFA par Virginie Saticq, extrait de son mémoire de CAFFA (juin 2016), intitulé Développer la réflexivité des élèves pour une école plus équitable.

 

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