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La réunion du groupe de travail LéA-IFé du 11 octobre 2023

17 / 10 / 2023 | Anaëlle Weiss

Enseignantes et chercheuses : mutualiser un travail commun


Ce mercredi 11 octobre, un groupe de travail de la CARDIE de Créteil a réuni les LéA-IFé de l’académie. Il rassemble des formatrices INSPE, des chercheuses et des enseignantes qui travaillent ensemble autour de deux objets de recherche.

Plus qu’un rassemblement, il s’agit d’une occasion pour se rencontrer, se connaître, se comprendre, partager et mutualiser les travaux de ces recherches collaboratives. Un tissage intercatégoriel pour faire réseau, construire une culture commune et esquisser des pistes de réflexion utiles à toutes et tous.

Au cours de ce premier échange, deux grandes problématiques se sont formalisées :
 Comment, à partir de deux thématiques différentes, mutualiser et penser ensemble le travail de recherche collaborative, notamment en interrogeant les traces des élèves ?
 Comment aider à conscientiser le développement professionnel des équipes et de chacun des acteurs de ces LéA-IFé ?

Lire et compter : deux objets de recherche collaborative


Cette année 2023-2024, l’académie de Créteil accueille deux nouveaux LéA-IFé sur des thématiques apparemment opposées :

 Le LéA-IFé PACE (Posture d’auteur et compétences d’écriture)
Les travaux de cette recherche collaborative s’orientent sur l’écriture des élèves, du CP à la classe de 3ème, en déployant trois approches : une approche sensible de l’écrit, une inversion du paradigme “lire pour mieux écrire” et une lecture croisée entre pairs des textes produits. L’équipe a déjà anticipé un protocole d’étude qui reposera sur deux types de données : des traces d’écrits d’élèves et des questionnaires enseignants.

 Le LéA-IFé ECRANIUM (Écrire et raisonner avec les nombres)
Dans cette recherche collaborative, enseignantes en école primaire et chercheuses focalisent leur attention sur les brouillons des élèves lorsque ceux-ci s’attèlent à résoudre un problème en mathématique. Le protocole co-construit implique des temps de classe en co-intervention avec les chercheuses, avec un recueil de données à partir d’observations réalisées, parfois filmées, et des productions d’élèves.

“L’apparence est bien souvent trompeuse” et c’est bien le cas ici. En effet, si ces deux LéA-IFé portent sur deux apprentissages fondamentaux différents (écrire et compter), ils ne s’opposent pas. Pour autant, ils ne se complètent pas mais se rejoignent sur la démarche de la recherche. En effet, les deux s’orientent vers une analyse des traces de l’activité au travers des écrits d’élèves. Ainsi, la discussion entre les deux équipes lors de ce groupe de travail a très rapidement glissé vers la démarche d’une recherche collaborative en partageant des questions opérationnelles. En voici quelques extraits.

La recherche collaborative : une démarche qui questionne


“On a déjà commencé à collecter des traces d’écrits d’élèves mais on se dit qu’il va y en avoir beaucoup… trop ?”

Lorsqu’Olivia évoque cette difficulté et ce questionnement, une réflexion collective s’engage sur la méthodologie du temps de collecte de données : “Faut-il collecter massivement des données et les filtrer ensuite en fonction de la problématique, ou bien définir en amont l’angle d’étude pour collecter uniquement ce dont on aura besoin ?”. De prime abord, c’est la seconde option qui serait retenue dans une logique parcimonieuse de recherche d’efficacité de réponses.

Seulement voilà, il s’avère que la recherche collaborative a une ambition plus large que la simple production de connaissance : la démarche elle-même est un objet de réflexion partagé pour travailler l’adhésion des enseignants au projet de recherche. Ainsi, le questionnement initial de la recherche évolue en permanence. Il devient alors plus rigoureux d’opter pour une collecte plus large de données.

Le problème de leur stockage est ensuite évoqué sans pour autant aboutir à une réponse opérationnelle satisfaisante. La discussion amène à explorer un autre type de donnée pouvant renseigner les avis des élèves sur leur travail : les entretiens filmés d’auto-confrontation. Quand un membre d’un LéA-IFé évoque le risque chronophage de la retranscription de ces enregistrements, une chercheuse de l’autre LéA-IFé propose un outil pratique : Microsoft STREAM, qui permet une retranscription automatique après avoir téléchargé une vidéo. La mutualisation est en cours.

“C’est super de collaborer avec des chercheurs mais on a aussi tout notre travail à gérer alors parfois c’est compliqué de gérer les deux fronts”

Quand une enseignante évoque le risque chronophage de la collaboration dans la recherche, elle reconnaît que la co-construction de séance avec des chercheurs est tout à fait passionnante. En revanche, pour elle la collecte de données représente une charge supplémentaire. Il faut récupérer les traces écrites des élèves, les scanner, les enregistrer, rédiger un mail pour les envoyer, etc. Les chercheuses de l’autre LéA-IFé partagent leur manière de faire : les enseignants envoient directement les écrits d’élèves sur un groupe whatsapp au fil de l’eau des réalisations. Ils semblent indiquer que c’est beaucoup plus pratique pour eux. La mutualisation se poursuit.

“Co-définir, co-construire, co-écrire, toutes ces activités réciproques c’est super mais est-ce que c’est bien faisable ?”

La discussion s’engage d’abord sur la co-construction de séances entre enseignants et chercheurs. Si tout le monde reconnaît que cela aboutit à des séances bien plus satisfaisantes, certains évoquent le risque d’un protocole figé à systématiser. Par exemple, pour les enseignants il est difficile de s’approprier un modèle de séance à suivre à la lettre, que ce soit en termes de contenu d’apprentissage mais aussi de posture professionnelle. Pour autant, si chacun fait ce qu’il veut, la variabilité des données collectées peut complexifier ou biaiser l’analyse.



Les échanges aboutissent au fait que co-définir un certain nombre d’invariants de construction de séances peut permettre à la fois l’adaptabilité enseignante et l’uniformisation nécessaire à l’étude comparative. Une chercheuse souligne même que ce sont ces écarts d’appropriation de chacun qu’il serait intéressant de mettre à l’étude.

Enfin, lorsque nous évoquons la co-écriture des publications scientifiques en fin de recherche, deux approches se dessinent :
 soit l’équipe de recherche rédige l’ensemble de la publication puis les enseignants proposent des ajouts et des modifications,
 soit enseignants et chercheurs écrivent ensemble lors de temps dédiés.
Le principe de recherche collaborative, et non coopérative, et le souci du temps amène à considérer davantage la première option. Le groupe s’interroge tout de même sur les moyens et la méthode à suivre pour réaliser concrètement la seconde option de co-écriture.

Au fur et à mesure des échanges, l’objet d’étude qui varie en fonction des LéA s’efface au profit de la démarche de recherche collaborative. Une chercheuse évoque d’ailleurs que c’est bien la démarche qui a son importance car les connaissances produites ne sont pas toujours transférables. Vient alors la question : “mais que va-t-il rester de cette recherche collaborative ?”. Des connaissances produites sans doute, mais pas seulement…

Le développement professionnel de tous les acteurs : singularité des recherches collaboratives.


La CARDIE de Créteil propose alors de réfléchir ensemble au développement professionnel que peut générer la recherche collaborative pour tous les acteurs qui s’y engagent. Mais encore faut-il définir ce que représente le développement professionnel pour nous. Peut-être s’agit-il d’un changement de regard sur ce que l’on fait.

Ainsi, le chercheur change-t-il de regard sur la classe, et sur ce qu’il s’y passe, lorsqu’il s’y rend pour les travaux de recherche. Il en ressort une actualisation de ses connaissances sur la réalité du terrain, “comprendre le réel non pas à travers des textes mais à partir du réel lui-même”. Parfois, les chercheurs déplorent que les enseignants ne prennent pas en compte les apports de la recherche. “Chercher avec” au lieu de “chercher pour” peut sans doute contribuer à combler, en partie, le gouffre entre chercheurs et praticiens. C’est ce que la recherche collaborative propose.

Par ailleurs, les enseignants peuvent aussi changer de regard sur le monde de la recherche en se familiarisant par exemple avec la lecture d’écrits scientifiques. Parfois, les enseignants ont l’impression de s’être saisis de certains concepts issus de la recherche, mais il ne s’agit que d’une impression. La recherche collaborative permet l’imprégnation en impliquant chacun dans la recherche qui se recentre autour de dilemmes professionnels.

Rendez-vous au printemps


Ce temps d’échanges a permis de dépasser le questionnement sur le “quoi” pour aller vers le “comment”. L’explicitation des façons de faire et de penser les projets ont permis une mise à distance pour analyser et ajuster. Un atelier fort de réflexivité, puissant trait d’union entre acteurs de l’école.

Pour la prochaine rencontre, nous échangerons quelques pistes pour renseigner le développement professionnel en cours chez les acteurs qui s’impliquent dans ces deux recherches collaboratives. Rendez-vous donc en avril / mai pour un prochain groupe de travail.

Pour en savoir plus sur les recherches collaboratives en éducation :
PODCAST “Enseignants et chercheurs : et si on travaillait ensemble ?”

Laurent Reynaud pour l’équipe de la CARDIE de Créteil.

Une oreille discrète et distraite retient...

A la CARDIE de Créteil, on tient au pas de côté. Lors de cette réunion, Anaëlle, une collaboratrice, a assisté de loin à ce groupe de travail. Voici ce qu’elle retient :

"En écoutant les échanges, j’ai perçu un engagement sincère et une grande volonté de faire progresser l’enseignement et la réussite des élèves. Cette implication venait malgré tout se heurter à la question du temps qui semblait représenter un obstacle important dans la démarche première des LéA. J’ai senti ce va-et-vient dans l’ambiance, entre la volonté et la passion du métier, et un début d’appréhension face à un travail conséquent à organiser et structurer. Peut-être la manifestation d’une tension inhérente à l’acte d’enseigner, entre passion et pragmatisme."