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Le tsunami numérique, un livre d’Emmanuel Davidenkoff

21 / 12 / 2015 | Marianne Durand-Lacaze

Pour ceux qui n’auraient pas encore eu connaissance de l’ouvrage, voilà un outil bien utile qui alerte sur la révolution numérique et ses conséquences sur l’éducation, mais aussi sur le système éducatif et sur la société, dans un monde dorénavant connecté où que l’on se trouve sur la planète.

Dès l’introduction le propos de l’auteur est clair :

Si le numérique produit sur l’éducation les mêmes effets que sur les industries de la presse, du disque ou de la distribution - précédentes cibles, qui restèrent trop longtemps confites dans leur modèle économique et leur tranquilles certitudes - , trois conséquences affecteront demain les enseignements primaire et supérieur et après-demain l’enseignement secondaire : un changement de modèle économique conduisant à une baisse des tarifs du privé, donc à un changement radical des termes du marchés scolaires et universitaires ; une prise de pouvoir définitive du consommateur d’école sur le citoyen usager du service public ; la montée en puissance des organisations collaboratives au détriment des structures pyramidales qui dominent l’organisation scolaire et universitaire partout dans le monde, notamment en France. Que vous soyez étudiant, parent, salarié ou enseignant, ce tsunami vous atteindra. ceux qui l’auront anticipé et en auront compris les dynamiques en tireront profit ; les autres en pâtiront, rudement. L’objet de ce livre est d’en décoder l’impact individuel et collectif.

L’engouement des MOOC (massive Open Online Course), la prise en compte des serious game, le recours aux imprimantes 3D, s’imposent progressivement dans l’enseignement supérieur largement connecté. Le plan Numérique dans le secondaire va donner l’an prochain un nouveau coup d’accélération au développement pédagogique et matériel des établissements. L’expérience actuelle de la préfiguration du plan pour l’année 2015-2016 semble positive même s’il est encore trop tôt pour en tirer un bilan juste et précis. Le recrutement dans le supérieur a évolué. Certaines écoles renoncent au passage par les classes préparatoires ou au concours traditionnels pour élargir leur vivier depuis déjà quelques années.

La génération des digital natives va s’imposer dans le supérieur. Elle commence à émerger. L’auteur insiste sur la rapidité du phénomène.
Quelques 6 millions de personnes par mois ont suivi les cours en ligne de la Khan Académie en 2013. L’auteur défend l’idée de la capacité du numérique à réaliser l’industrialisation d’une individualisation : un développement rendu possible qui pourrait aider aussi les 57 millions d’enfants privés d’école qui existent dans le monde. Pour lui, l’école "à la papa", celle de l’enseignement frontal a vécu. Les géants mondiaux des technologies de l’information l’ont compris. Le marché éducatif dispose d’un potentiel énorme. Les jeunes qui représentent le fer de lance de la révolution numérique passent déjà plus de temps par an devant les écrans qu’à l’école avec 1500 heures pour 1200 heures de classes.

La révolution numérique oblige les institutions de l’Éducation nationale à changer de modèle économique. Vont-elles le faire ? Le plan numérique doit répondre à cet immense défi sinon le secteur de l’enseignement privé va se développer grâce à une baisse des coûts de l’enseignement.

Libéré de certaines tâches grâce au numérique, l’enseignant pourra se consacrer davantage aux besoins particuliers de ses élèves. Il pourra donner du sens aux apprentissages, ce que la machine ne peut pas faire. Elle peut donner la même règle à plusieurs élèves ou étudiants ou apprenants au même moment, répéter sans s’énerver, sans se lasser, mettre à dispositions de manière instantanée des savoirs encyclopédiques, fabriquer en 2D et en 3D, mémoriser une série d’actions complexes, mutualiser des ressources, coopérer et fabriquer à plusieurs des contenus, des exercices, des objets.

De plus, les outils numériques sont comme chacun sait, ludiques. Ils peuvent raviver le désir d’apprendre. Pour Emmanuel Davidenkoff, « Si on rend les apprentissages moins ennuyeux on réduit le taux de décrochage. Si on dégage du temps de correction pour les enseignants on leur permet de mieux se consacrer au suivi des élèves. »
Quatre obstacles sont à lever, à ses yeux :
 les programmes jugés lourds et confus ;
 les modalités de recrutement des professeurs du secondaire qui avantagent les savoirs sur les pratiques ;
 la formation initiale inférieure aux standards internationaux ;
 la formation continue trop délaissée.

Pourtant les enseignants sont loin d’être réfractaires au numérique. En témoignent leur réseaux sociaux et leurs plateformes ou leurs sites web en marge de l’institution (EducaVox, Clionautes, WebLettres, Sesamaths).
Les cours magistraux, la correction et l’évaluation vont voir leur coût de production chuter et dégager du temps pour l’enseignant afin qu’il se consacre aux besoins de ses élèves de manière différenciée en fonction des difficultés des uns et des autres.

L’enseignement en "présentiel", verra sa qualité augmenter.

Les MOOC en tant que forme pédagogique ne révolutionnent rien mais leur forme évolue sans cesse. Ils proposent des cours, des exercices, de l’entraide individuelle ou collective en ligne. Un doctorant tuteur peut valider une certification d’étudiants plus jeunes par un MOOC existant ou celui des professeurs de l’établissement, à la demande de son établissement pour une somme inférieure à la création et la rémunération d’un emploi.
Les cours des MOOC sont gratuits et leur validation ne réclame pour l’heure qu’une somme modique. L’expert français Matthieu Cisel évoque "un grand monopoly mondial de l’éducation". Les staistiques américaines montrent que les élèves bénéficiant du mixte cours en présentiel et cours en ligne obtiennent plus 58 % de réussite contre 50 % pour les autres.
De très nombreuses questions restent abordées par l’ouvrage qui fait la part belle à l’enseignement supérieur, comment les universités ou les enseignants sont impactés par les MOOC ? L’interactivité, la qualité mondiale de certains enseignants et les possibilités d’évaluation modifient la donne à grande vitesse dans tous les domaines de l’éducation, y compris professionnelle.
Partout dans le monde fleurissent les fab labs (laboratoire de fabrication), les tech shops (les ateliers de technologie). Deviendront-ils des micro-usines de quartiers, des piliers de recherche pour une entreprise ? De nombreuses écoles d’ingénieurs françaises travaillent en ce sens : l’innovation est à l’honneur. Pourquoi pas dans les lycées professionnels ? Le travail collaboratif dans les programmes ne peut-il pas être encore davantage mis en valeur malgré les efforts du socle et de la réforme du collège ?

L’innovation s’apprend, ce dont nous ne sommes pas forcément convaincus : l’aptitude aux risques, la pensée-hors des sentiers battus...
Ne laissons pas passer le train du tsunami numérique.

Mise en ligne décembre 2015
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