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Eduquer sans punitions ni récompenses avec la communication Non Violente

10 / 02 / 2016 | Marianne Durand-Lacaze

Un livre de Jean-Philippe Faure qui tente une approche globale de l’éducation. Comment rompre avec un savoir d’accumulation seulement défini par des autorités extérieures aux intéressés ? Le schéma punitions-récompenses a-t-il alors encore sa place ?

Les deux parties du titre, Éduquer sans punitions ni récompenses avec la Communication Non Violente, révèlent à merveille le propos de l’auteur. L’attention habituelle sur ce sujet s’accorde à ne s’intéresser qu’aux punitions. Pensons-nous réellement à une éducation sans récompenses ? L’imagine-t-on vraiment au fond ?

C’est à cet exercice subtil d’observation, d’analyse de besoins et de demandes à travers une posture de la responsabilité que nous invite l’auteur. La recherche de cette éthique est une expérience formatrice.

L’auteur invite les enseignants à considérer la portée globale de l’éducation, tout en étant conscient que la plupart d’entre eux sont limités par les moyens mis à leur disposition et par les carences possibles de certaines structures. Jean-Philippe Faure insiste surtout sur la grande pauvreté des ressources non matérielles mais intérieures : le poids des conditionnements, qui limite notre pouvoir de présence, d’accueil, d’ouverture et de créativité. Il défend l’idée d’un cahier des charges de l’enseignant plus léger, un « cahier de légèreté » avec moins de temps consacré à ce qu’il appelle « l’enseignement forcé d’une matière », au profit d’un apprentissage des relations et des tâches d’animation. L’auteur invite ses lecteurs à la critique de ses pages. Il s’appuie sur une expérience de formateur en Communication Non Violente (la CNV) en Suisse et en France.

La CNV a été créée par Marshall Rosenberg (psychologue américain 1934-2015) qui fait une large part à l’observation, le ressenti des émotions, l’analyse des besoins et des demandes des interlocuteurs.Tout le monde aura compris que dans la CNV, la part de l’écoute et de l’empathie est primordiale. Le plus difficile n’étant pas de décrypter les problèmes mais d’apprendre à se libérer des schémas de comportement dont ils sont prisonniers.

« j’assiste à des scènes où des éducateurs regardent, impuissants, des jeunes casser le matériel qui leur est offert ; j’entends des parents qui se laissent insulter sans réaction ; j’observe des enfants élevés au suprême rang de consommateurs. Je vois une liberté de comportement, mais qui n’est pas vécue à partir d’un respect profond. Ce décalage crée une violence larvée qui me terrifie. »

On attend trop d’un individu des performances, des comparaisons et de la compétition. On ne s’habitue à n’obtenir de reconnaissance positive que si on produit des attentes conformes aux attentes projetées sur nous. L’originalité est rarement encouragée. Notre école n’apporte pas une attention au sens suffisante. Or le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture accorde une part d’attention à l’émotion.

Le plus grand problème des punitions aux yeux de l’auteur est qu’elles affaiblissent le message qu’on veut donner. Peu à peu l’individu accorde plus d’importance à la deuxième partie du message (à la punition possible) qu’à ce qu’on attend de lui. Il s’agit d’un véritable conditionnement à la récompense. Or la CNV cherche à développer chez les individus, ici les jeunes, l’idée que si on accomplit une action c’est parce qu’elle développe une culture du sens. Il s’agit de développer une interdépendance entre les êtres humains qui amènera plus de solidarité : une objection de conscience fondée sur un besoin intégrité.

Initier un processus plutôt que valider, arrêter de croire à l’erreur, la valoriser, en fait, dans un cadre de non-jugement. La qualité de l’accueil est primordiale : celui des petits enfants, des élèves, et des adolescents. La fin et le début d’un cours sont aussi importants, peut-être même plus ; ce qui nuit le plus souvent est la qualité de l’accueil. Parler avec authenticité, respecter ses ressentis. Vous pensez là, peut-être ne rien découvrir, mais l’auteur insiste sur le besoin d’apprendre aux enfants à prêter attention à leurs ressentis et à leur donner les clefs pour accueillir et transformer ces mal-être, comme l’ennui ou la frustration.
Jean- Philippe Faure défend une pédagogie de l’élan qui implique d’inverser la logique de la démarche d’acquisition au sein de l’école pour lutter contre la démotivation, apprendre en s’amusant change la donne. "Apprendre à ne pas savoir", "réfléchir aux besoins", sont des pistes évoquées dans ce livre bref, clair et bien utile. Le chapitre sur les limites qu’on souhaite imposer est éclairant sur la démarche de la CNV et conduit à s’interroger sur les représentations qu’on s’en fait. La grande question est de poser des limites à partir de la conscience des besoins. L’adoption d’une pédagogie de la non-directivité n’a rien à voir avec la permissivité ou le laxisme explique l’auteur choqué des difficultés de certains jeunes à se connecter avec leur environnement direct ou la réalité. Les moyens actuels de communication tablettes et autres supports numériques favorise notre propension à nous protéger de la réalité en la rêvant au lieu de nous relier aux émotions que la confrontation fait naître.

Au fil de ces chapitres courts, les lecteurs sont invités à des questionnements. C’est là, l’essentiel aux yeux de l’auteur qui n’apporte pas de solution (des clefs comme celle du triangle relationnel) mais conduit son lecteur à s’interroger sur ses propres besoins pour développer une pédagogie multisensorielle pour compenser la tyrannie de la vue et être plus attentif à tous les sens comme le pose la pédagogie appliquée dans les écoles Steiner.

En savoir plus

 Conférence de Marshall Rosenberg sur YouTube : Éduquer sans récompense ni punition (1H58).

 Contact en France, Association ACNV : acnvfrance@wanadoo ;fr

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Publication 8 février 2016