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Séminaire académique « Grande pauvreté - Tous concernés, tous mobilisés » (2017)

12 / 03 / 2017 | Gregory Quiquempois

« L’honneur d’une société se mesure à la place qu’elle fait à ceux qui sont, à un moment donné, en situation de fragilité. »(1)

Jeudi 2 mars 2017, se tenait à Saint Denis, le séminaire académique « Grande pauvreté - Tous concernés, tous mobilisés », l’occasion pour les personnels présents de réfléchir collectivement à cette problématique qui au-delà de notre institution traverse l’ensemble de la société. Avec la parution des résultats aux évaluations PISA de 2012, soulignant la corrélation entre les résultats scolaires les plus fragiles et l’origine sociale, la loi d’orientation et de programmation de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 a fixé comme objectif la réduction des écarts de réussite liés aux origines sociales, elle l’a fait en demandant au système éducatif d’évoluer dans son organisation et dans ses pratiques pédagogiques (2).

Depuis, une commission d’information parlementaire (3) a étudié l’école sous l’angle de sa relation avec les parents et l’institution a elle-même publié un rapport (4) sur la « Grande pauvreté et la réussite scolaire ». Cette journée de travail académique s’intègre donc dans un continuum de réflexion dont l’objectif est de transformer profondément les déterminismes sociaux attachés à l’école française.

Aujourd’hui, en France, un million deux cent mille enfants sont issus de familles très pauvres (5), ce qui représente un enfant sur dix. L’académie de Créteil par son histoire et sa situation géographique, compte un nombre de Zone d’Education Prioritaire important et même si les départements de Seine Saint Denis, du Val de Marne et de la Seine et Marne ne sont pas égaux quant à leur répartition, elles n’en restent pas moins prégnantes dans le paysage académique et en font une problématique majeure des pilotages locaux. Au-delà des difficultés sociales pour se loger, se nourrir, se chauffer, se soigner, la grande pauvreté impacte également la possibilité de s’éduquer et d’éduquer ses enfants. Avec l’augmentation importante du nombre de pauvres entre 2004 et 2014 et les difficultés sociales qu’elle entraine, les acteurs de terrains sont de plus en plus confronter aux « malentendus » et aux « dialogues impossibles » avec les familles qui affectées par une situation financière intenable sont en position de disqualification face à l’institution (6). De la fragilité passagère engendrée par une situation financière qui pousse à faire appel à l’aide sociale, en passant par la dépendance à celles-ci sans lesquelles la survie serait impossible, jusque parfois la rupture de lien sociaux, la disqualification entraîne une stigmatisation des populations les plus fragiles et leur relégation vers une « caste subalterne ». Cet engrenage rompt la dimension sociale de protection et de reconnaissance qui lie les individus au sein de la société et entraîne pour les enfants de ces familles des sentiments d’angoisse et de peurs face à l’école. Tous les indicateurs statistiques montrent ainsi plus de défiance, plus d’angoisse, plus de sentiment de harcèlement, et de discrimination de la part des enfants scolarisés en Education prioritaire que les autres.
La mission d’information parlementaire à quant à elle montré que loin d’être démissionnaire et malgré la mise en tension de l’institution, les familles restent persuadées que c’est par l’école et l’obtention de diplôme que leurs enfants pourront construire une issue à la grande pauvreté. Mais de nombreux parents, impuissants à aider scolairement leurs enfants, subissent un affaiblissement symbolique de leur autorité éducative. Les enfants sont alors chargés d’une autonomie précoce, non seulement pour faire leur travail à l’école mais aussi pour informer leurs parents des attentes de celle-ci. Cette responsabilisation prématurée brouille les relations entre les acteurs que sont les parents et les professeurs.
Compte tenu du rôle et des prorogatives de l’institution, il s’agit donc bien de réfléchir collectivement, c’est-à-dire avec tous les acteurs de l’Ecole, à ce que chaque professionnel peut engager comme démarche au sein de son établissement. Ce qui fut l’objet du travail proposé dans un deuxième temps lors du séminaire. Des ateliers ont permis aux participants d’examiner la question de l’accueil des enfants et des familles en situation de grande pauvreté à l’aune de nos missions d’éducation afin de garantir la réussite de tous les élèves sans déterminisme sociale.

(1) Rapport Grande pauvreté et réussite scolaire -Le choix de la solidarité pour la réussite de tous– Jean Paul Delahay, Mai 2015
(2) Ibis
(3) Rapport d’information n°2117, déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation- Les relations entre l’école et les parents, 9 juillet 2014.
(4) Rapport Grande pauvreté et réussite scolaire -Le choix de la solidarité pour la réussite de tous– Jean Paul Delahay, Mai 2015
(5) Famille vivant avec moins de 50% du revenu médian, c’est-à-dire en France moins de 840€ par mois pour une personne.
(6) Serge Paugam, la disqualification sociale, PUF, Coll. Quadrige, 2009.

Cardie Créteil - Mars 2017 - Tous droits réservés