C.A.R.D.I.E. - E.A.F.C. Cellule académique recherche, développement, innovation, expérimentation

Réussir des ceintures d’expression écrite en coopération en alternant avec des textes plus libres

27 / 09 / 2023 | Anaëlle Weiss

AVEC LES AUTRES, JE M’EXPRIME MIEUX TOUT SEUL

Le groupe de travail de la CARDIE de Créteil sur les pédagogies coopérative a décidé de travailler sur un constat récurrent que font beaucoup de collègues qui s’intéressent à la coopération en classe : comment passer du travail collectif à l’expression individuelle.

Le groupe de travail est composé de neufs enseignants de tous niveaux : de la maternelle au lycée. Tous se sont réunis pour partager ensemble des réflexions de terrain et construire ensemble des expérimentations testées en classe. Nous partageons ici le travail mené cette année 2022/2023 sur cette thématique.

Témoignage de Raoul Decastro enseignant à l’école Vivaldi - Saint Pathus - Circonscription de Meaux Nord (77)

Pourquoi des ceintures d’expression écrite ?


Les ceintures d’expression écrite permettent d’accompagner l’élève sous forme de paliers à atteindre afin d’améliorer sa production au fil de ses réussites. Elles permettent de cibler précisément où l’élève se situe et de travailler avec lui ce qui lui reste à accomplir avant qu’il n’accède aux exigences suivantes.

Quel travail préparatoire ?


Ce travail suppose de lister et de hiérarchiser les compétences intervenant dans l’écrit afin de proposer une progression dans la difficulté. Cette hiérarchisation est subjective et dépend de la réalité d’une classe et des objectifs donnés par l’enseignant.

Il reste toutefois important d’éviter l’écueil de « l’usine à gaz ». Une grille d’une vingtaine de compétences serait contre productive. Elle ne permet pas l’entraînement régulier qui permet à l’élève d’automatiser et de s’améliorer par la répétition. L’une des difficultés de ce travail préparatoire sera donc de se limiter aux compétences essentielles.

Quelle mise en place ?


Un temps quotidien de 20 à 30 minutes est nécessaire pour mener efficacement ces productions.

Chaque élève reçoit une fiche récapitulative des ceintures disponibles dans l’année, à mettre dans son lutin (cf annexe 1 : les ceintures d’expression écrite). Certaines ceintures, les premières, sont atteignables après un seul écrit finalisé. D’autres après deux. Libre à l’enseignant de mettre plus ou moins de ceintures et plus ou moins d’écrits de réussites dans sa grille personnelle.

Les ceintures d’expression écrite

L’élève reçoit en début de semaine une grille indiquant les objectifs sur lesquels il doit concentrer son attention cette semaine afin de valider sa ceinture.

Chaque jour l’enseignant :
1) Indique le thème/inducteur d’écriture selon les ceintures concernées sur le tableau. Pour les ceintures les plus élevées, des classeurs en libre service peuvent être constitués afin de laisser le choix du thème/inducteur aux élèves.
2) Affiche au tableau la procédure rituelle sous forme de diapositives, d’affiches…

Retranscription des « diapositives » affichées sur le TNI pendant les séance quotidiennes d’expression écrite :

Lundi :
 J’écris mon prénom sur ma feuille et sur la grille de ma ceinture.
 Je lis la grille donnée pour savoir les objectifs que je dois atteindre.
 Je rédige mon premier jet selon les consignes données.
 Lorsque le maitre l’indique, je prends un temps de relecture et je coche au crayon les objectifs que je pense avoir atteints.
 À tout moment, je peux m’aider des stratégies de grand-père.

Mardi :
 Je donne mon texte et ma grille à mon voisin de gauche.
 Je récupère le texte et la grille de mon voisin de droite.
 Je lis la grille de mon voisin puis je lis son texte. À la fin, j’entoure les objectifs qui ne me paraissent pas atteints par mon camarade. Je transmets ensuite le tout à mon voisin de gauche.
 Lorsque les textes ont été lus par l’ensemble du groupe, nous discutons : Pourquoi est-ce que cet objectif n’est pas atteint ? Que peut-il faire pour réussir ? Quelle aide donner, quelles idées lui donner ? Je note ce qu’on me dit.

Jeudi :
 J’améliore et réécris mon texte en tenant compte des remarques de mes partenaires.
 Avec ma trousse, j’indique aux autres si je suis disponible pour échanger (trousse debout) ou si je me concentre uniquement sur ma réécriture (trousse couchée).
 Si j’ai terminé avant la fin du temps imparti, je me rends disponible pour les autres et je continue mon rallye-lecture.
 Je peux solliciter l’aide d’un partenaire d’écriture ou du maître si des points restent incompris.

Vendredi :
1) J’ai terminé mon texte le jeudi. Je peux le soumettre aujourd’hui au comité de rédaction avant le passage de ceinture.
2) Mon texte n’est pas terminé, je le continue. Je le soumettrai au comité de rédaction lundi matin s’il est terminé.
3) Mon texte n’est pas terminé et j’ai besoin de temps, je le continue aujourd’hui ainsi que la semaine prochaine.
4) Je ne veux pas le soumettre au comité de rédaction, je le donne directement au maître une fois terminé.

Pour aider les élèves, à côté des objectifs à atteindre, est indiqué une stratégie de grand-père (cf annexe 2 : stratégies de grand-père). Cette stratégie peut se retrouver sous la forme d’un éventail individuel ou d’un affichage collectif en classe. Elle permet de ne pas laisser l’élève sans solution s’il n’arrive pas à comprendre cet objectif lors de son premier jet ou si un camarade/conseil lui indique que l’objectif n’est pas atteint après une première lecture. Ces stratégies peuvent être enrichies ou modifiées collectivement au fur et à mesure malgré une base déjà disponible dès le début de l’activité.

Les stratégies de grand-père

Les différents objectifs des ceintures sont formalisés par un encart papier donné à chaque élève en fonction de sa progression. C’est après lecture de cet encart que le comité de rédaction doit veiller au respect des différents objectifs. S’ils ne sont pas d’accord sur l’une des réussites, ils doivent s’entendre sur une aide à apporter (en s’aidant de l’éventail des stratégies de grand-père ou en trouvant de nouvelles) et aller voir l’élève pour lui expliquer le point non atteint et l’aide apportée.

Avantages de la méthodologie ?


 Faire avancer l’élève à son rythme.
 Donner des objectifs clairs et précis sur ce qu’il doit atteindre.
 Motivation liée aux ceintures, vouloir atteindre les ceintures les plus élevées.
 Le maître n’est plus seul décideur de ce qui est valide ou non, les élèves sont impliqués dans le processus d’évaluation et de remédiation. Deux retours dans la semaine entre pairs pour progresser et s’évaluer ensemble.
 Chaque objectif est accompagné d’une stratégie de grand-père. Si le comité de rédaction ne valide pas, l’élève peut utiliser son éventail afin de chercher des solutions avant une aide de l’adulte.
 Chaque enfant est dans une position d’évalué et d’évaluateur.

Inconvénients de la méthodologie ?


 Travail de préparation en amont conséquent afin d’établir les objectifs de chaque ceinture et les différents paliers à atteindre.
 Mise en place des comités de rédaction chronophage. La lecture d’un texte, les échanges, les validations, les remédiations, le temps à prévoir est long. Gain bénéfice coût à interroger pour chaque enseignant en fonction de sa pratique et du temps alloué à la discipline. Une solution possible est de multiplier le nombre de comités de rédaction (groupes par ceintures par exemple) ou de former des comités par îlot de travail. Dans le dernier cas, il faudra veiller à constituer des groupes de niveaux hétérogènes.
 Avoir un contrôle sur la progression de chaque élève. La multiplication des ceintures peut faire perdre de vue où en sont les élèves. L’enseignant doit se constituer un outil afin de réguler ce point (affiche collective possible mais attention à un effet de dépréciation que cela peut engendrer sur les élèves les plus fragiles , repère sur son cahier. )
 Plus les ceintures sont élevées, plus les objectifs sont importants. Plus difficile pour l’élève d’auto-évaluer chaque objectif. Nous partons toutefois de l’hypothèse qu’à force de rencontrer ces objectifs au fil des ceintures, la majorité des élèves prendront l’habitude de réguler leur attention sur les divers objectifs.

À cause de la constitution tardive du protocole et des documents pédagogiques nécessaires à sa mise en place, le dispositif n’a pas pu être encore totalement évalué et fera l’objet d’une évaluation plus précise au cours de l’année 23/24 avec mise à jour.

Des textes libres en alternance ?


Il semble essentiel d’avoir des semaines de pause dans ce dispositif afin :

1) d’avoir des moments d’écrits sur un sujet collectif (un thème comme des avis sur une sortie, un moment de classe, une oeuvre…) afin de comparer les points de vue, les manières d’écrire et d’en faire des points de vigilance et d’institutionnalisation.
2) de pouvoir écrire librement sur n’importe quelle idée/support/envie/type d’écrit. L’écriture ne peut se résumer à des injonctions thématiques et des consignes restrictives en tout temps.
3) mettre l’écrit au coeur d’un projet collectif, comme la constitution d’un journal (cf le travail de Nicolas).